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bataille. Problème difficile à résoudre, fort complexe en lui-même et qui se complique encore-des calculs intéressés des partis, ! Est-il vrai quelle scrutin de liste favorise le parti républicain ? est-il vrai que le vote par arrondissement serve mieux le parti bonapartiste ? est-il vrai enfin que les députés conservateurs trouvent plus de chances de succès dans un système d’élection qui permet la coalition des partis monarchiques ? Autant de questions de personnes et de partis qu’il est malaisé de juger d’une façon générale et que d’ailleurs il ne serait pas digne de poser dans un aussi grave débat. C’est la question de principe qu’il faut examiner ; c’est l’intérêt seul du pays qu’il faut considérer. Au point de vue des principes, nous n’hésiterions point à préférer le scrutin de liste au vote par arrondissement. Si l’on fait abstraction de l’état du pays et de la situation actuelle, et que l’on ne cherche que la perfection logique, il nous semble que le scrutin de liste répond mieux à l’idée que nous nous faisons du jeu des partis dans la machine parlementaire. De quoi se plaignent avec raison depuis cinquante ans les partisans de ce système ? De ce que les élections envoient au parlement des majorités incertaines, peu homogènes, que dissout bien vite l’intérêt ou le sentiment personnel. Et pourquoi en est-il ainsi ? Parce que les électeurs portent leur choix de préférence sur des notables connus et influens de la localité, sans trop leur demander compte de leur opinion politique. Qu’arrive-t-.il alors ? C’est que des élections dont le but est essentiellement politique en ont à peine la couleur, et que nos chambres renferment trop de députés qu’il est difficile de classer, et avec lesquels il est impossible de former des majorités homogènes, compactes et solides. Il ne faut pas dire qu’avec le scrutin de liste les élections de 1871 ont donné une assemblée très divisée, où ne se forment guère que des majorités de coalition. On oublie que ces élections se sont faites dans des circonstances exceptionnelles qui expliquent le fractionnement des partis. Ce qui nous paraît certain, c’est qu’avec des élections faites sans esprit politique il n’y a pas lieu d’espérer, comme dans les pays de gouvernement parlementaire, un classement définitif des partis et des majorités stables. Nous savons bien que les majorités et les minorités systématiques ont leurs inconvéniens quand il s’agit de questions spéciales où la politique proprement dite n’a rien à voir ; mais quelle est l’institution, si excellente qu’elle soit, dont on ne puisse abuser ? Avec une séparation nette et absolue des partis dans une assemblée, certaines affaires peuvent souffrir, mais le gouvernement est toujours possible ; sans cette condition, il ne l’est pas.

Voilà, ce nous semble, la vérité au point de vue des principes ; mais, si l’on descend de ces hauteurs dans les misères de la réalité,