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II. — LES HÔTELS. — LES MAGASINS. — LES THEÂTRES.

Continuons notre promenade. Voici maintenant les hôtels : le Saint-Nicholas, le Metropolitan et bien d’autres, vastes caravansérails ouverts jour et nuit. Ils sont peu à peu remontés dans Broadway avec la ville elle-même. Autrefois on citait Astor-House, près la place de l’Hôtel-de-Ville. Quelques vieux Yankees, quelques négocians de l’intérieur sont restés par habitude fidèles à cette maison ; elle ne tardera pas à fermer ses portes, comme les fermeront aussi quelque jour les hôtels que nous venons de citer, car la ville monte, monte sans cesse, et le commerce l’envahit de plus en plus. Or il n’est pas comme il faut d’habiter près des marchands, fût-ce dans un hôtel, et la mode, ici comme ailleurs, rend des arrêts qui sont sans appel. C’est pourquoi si nous avançons dans Broadway, à 5, 6 et 7 kilomètres de la pointe de la Batterie, nous rencontrons encore nombre de grandes maisons fort achalandées.

Tout ce qu’on trouve dans ces hôtels aux façades monumentales, aux mille chambres, chacun le sait. Ce ne sont partout qu’escaliers grandioses, tapis moelleux, bains à tous les étages, souvent même dans tous les cabinets, salles à manger luxueuses, ascenseurs pour les voyageurs, pour les bagages, pour les domestiques, salons de réception particuliers ou publics, boudoirs élégans pour les dames. On n’a pas même oublié l’appartement spécial pour les nouveaux mariés, le wedding-room. L’eau froide et l’eau chaude montent dans les plus petits réduits ; le gaz éclaire gratuitement partout ; la taxe vexatoire de la bougie, familière aux hôtels européens, est inconnue. Voici le bureau où l’on vous délivre un billet de chemin de fer, de steamer ; voici le barbier, le marchand de journaux, de cigares, le marchand de modes et de bimbeloterie, le bijoutier, le pharmacien, le tailleur, le chapelier : ils sont de l’hôtel. Quant à la buvette, elle est somptueuse et toujours pleine ; à côté, une vaste salle avec une demi-douzaine de billards.

Depuis cinq heures du matin jusqu’à minuit, ce sont des noces de Gamache en permanence : déjeuner, goûter, dîner, thé, souper, à des heures et suivant une ordonnance prévues. Vous pouvez faire cinq repas par jour, vous asseoir cinq fois à table ; ne rougissez point, il y en a qui le font. Sur une carte plus longue que celle d’aucun restaurant, choisissez autant de plats que vous voulez, on ne vous impose aucune limite et vous n’en payez pas un centime de plus. Ce n’est pas que la cuisine soit bonne ni convenablement préparée. On vous sert à l’américaine, tous les plats à la fois, et vous avez devant vous les flacons de tout un laboratoire pour les assaisonner à votre goût. Le chef est Français ; mais il a dû renoncer