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ce ministère est trop visiblement insuffisant, qu’il est moins un cabinet sérieusement politique qu’une réunion de ministres juxtaposés par le hasard des combinaisons parlementaires, et, si parmi ces ministres il y en a qui sont fort à leur place, qui doivent y rester quoi qu’il arrive, il en est aussi, il faut le dire, qui ne font pas d’une manière brillante les affaires du gouvernement.

Le ministre de l’instruction publique, M. de Cumont, particulièrement a fait tout ce qu’il fallait pour se créer une situation peu flatteuse et à peu près impossible. En quelque temps M. de Cumont a réussi à déterminer la démission, au moins momentanée, de son sous-secrétaire d’état, M. Desjardins, à provoquer la retraite d’un de nos plus illustres savans, du directeur du Muséum, M. Chevreul, à froisser l’Université et à indisposer le public en compromettant par des faveurs prématurées jusqu’à un jeune homme dont il avait fait son chef de cabinet. C’est là ce qui s’appelle avoir la main heureuse. Une maladresse conduit à une maladresse nouvelle. Il y a quelques mois, M. de Cumont a jugé à propos de remplacer un inspecteur-général de l’instruction publique, fonctionnaire aussi entendu que zélé, et il l’a remplacé par qui ? par M. Chauffard, professeur distingué à l’École de médecine, mais que ne semblait recommander aucune aptitude particulière pour le nouveau service dont il était chargé. Là-dessus il y a eu quelques tumultes de jeunesse à l’École de médecine, au cours du professeur-inspecteur, et M. de Cumont n’a cru pouvoir mieux répondre à cette effervescence d’école qu’en faisant de son chef de cabinet, du fils même de M. Chauffard, un jeune chevalier de la Légion d’honneur pour « services exceptionnels ! » D’un autre côté est survenue cette querelle avec le Muséum qui a entraîné la retraite de M. Chevreul. Tant il y a que M. de Cumont a fini par mettre tout le monde contre lui, et il a déjà marqué son passage au ministère de l’instruction publique par d’assez brillans exploits pour pouvoir se retirer satisfait le plus tôt possible, — en laissant l’Université et le public pour le moins aussi satisfaits et de plus rassurés par sa retraite. Le ministère lui-même n’en souffrira pas.

Un des plus graves inconvéniens de ce désordre universel, dont les ministres improvisés et brouillons sont à leur manière une expression vivante, c’est que la politique s’introduit partout, dans les plus simples affaires d’administration, dans les affaires municipales, jusque dans les élections de ces modestes conseils communaux qui devraient rester étrangers à toutes les agitations. On vient de le voir encore une fois dans ces élections qui ont renouvelé récemment toutes les municipalités de la France. Ce n’est point qu’il n’y ait beaucoup de fantasmagorie dans ces bruyantes énumérations de républicains et de conservateurs qui le plus souvent, dans le plus grand nombre des localités françaises, ne répondent à aucune réalité. Il y a cependant toujours des villes, même de simples villages, où les candidats municipaux ont cette singulière