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propose. Pour qu’un pouvoir exerce pleinement les attributions que lui confère la constitution, il faut qu’il puisse agir en toute liberté vis-à-vis des autres pouvoirs. En un mot, une chambre des pairs héréditaire avec une monarchie dans un pays aristocratique comme l’Angleterre, ou un sénat élu avec une république dans un pays démocratique comme les États-Unis ou la France, voilà comment nous comprenons la constitution de ce pouvoir, destiné par ses plus chauds partisans à un rôle si considérable dans le jeu des institutions parlementaires.

Il est vrai qu’ils admettent pour la plupart la double origine de l’élection et de la nomination dans la composition de la seconde chambre. Le caractère propre du projet de loi de M. de Broglie, accepté en cela par la commission, est d’être une œuvre mixte et véritablement éclectique, faisant un peu la part à tous les systèmes. On pourrait même dire qu’il donne à son grand-conseil une origine triple en ajoutant aux deux autres catégories de conseillers la catégorie, fort restreinte il est vrai, des membres de droit. Nous ne pouvons que renouveler contre ce système l’objection capitale que nous avons adressée au système plus simple de la nomination du sénat tout entier par le pouvoir exécutif. C’est toujours l’indépendance de ce corps politique qui fait notre grand argument. Avec le système mixte, l’inconvénient est moindre ; il n’a point disparu. Or, pour nous, l’indépendance absolue du sénat a l’évidence d’un axiome. C’est à cette condition seulement que le sénat peut remplir la haute mission qu’on lui assigne. On ne nous rassure point en nous disant que cette indépendance est garantie par la durée viagère du mandat confié par le président. Il ne faudrait point sans doute connaître le cœur humain pour ne pas convenir que la nomination à vie donne une certaine satisfaction au principe que nous soutenons, mais cela ne suffit point : il reste l’attache originelle, qui gênera toujours les allures du sénateur nommé. Autre vice du système mixte tout à fait propre à cette combinaison : cette double origine ne sera-t-elle pas une cause, sinon de conflit entre les deux classes de sénateurs, tout au moins de défaveur et d’impopularité pour les sénateurs nommés ? Quand une loi ou une résolution plus agréable au pouvoir exécutif qu’à la première chambre aura passé à une faible majorité, due au concours des membres nommés, quelle sera leur situation dans l’assemblée et dans le pays ? Enfin quelle est donc la raison politique de cette double origine ? Selon M. de Broglie, d’accord avec la commission, elle serait précisément dans le rôle de médiateur entre les deux pouvoirs. Il faudrait que la chambre qui a ce rôle à remplir participât des deux origines. Nous avouons ne pas bien saisir cette idée. Si l’on veut