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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/784

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qu’il ne s’en serve pas pour défendre la république, dont il est le président, contre l’impatiente ambition de certains partis, on peut rappeler que tout seul au sénat il a élevé la voix contre la loi de sûreté générale, et que le conspirateur du 2 décembre ne lui a pas fait l’injure de lui demander la complicité de son concours pour l’œuvre criminelle qu’il méditait. Certes ce sont là des conditions de force pour un gouvernement en même temps que des garanties pour les amis de la légalité ; mais nous trouvera-t-on trop exigeans parce que nous voudrions y joindre la force et la garantie d’une institution ? Et quand on songe à conférer à ce pouvoir exécutif le droit de dissoudre la première chambre avec ou sans l’assentiment de la seconde, nous trouvera-t-on trop défians, si nous nous préoccupons d’abord de l’existence de cette dernière ? Qu’il soit difficile de ne pas concéder ce droit au pouvoir exécutif, nous en convenons. Tous les hommes d’état qui ont le sens pratique, M. Thiers en tête, sont de cet avis. Ils ne diffèrent que sur le point de savoir si le président pourra dissoudre la chambre des députés avec ou sans l’assentiment du sénat. Nous trouvions d’abord plus de garanties pour la légalité dans le projet de M. Thiers, exigeant le concours de la seconde chambre ; mais en y réfléchissant bien on est frappé des difficultés pratiques que rencontrerait l’application de cette condition. La dissolution ne pouvant être consentie ou refusée sans débat, imagine-t-on une discussion publique sur un tel sujet au sein d’une assemblée dont le rôle doit être la médiation entre les deux autres pouvoirs ? Et si cette discussion a lieu à huis-clos, quel sera l’effet de la décision sur l’opinion populaire ? Et si enfin le débat est supprimé, comment la seconde chambre pourrait-elle échapper au soupçon de complaisance, sinon de servilité ? Quelle serait d’ailleurs sa situation vis-à-vis de l’autre assemblée et du pays, si le vote populaire renvoie une chambre des députés animée des mêmes sentimens ? Pour ces raisons et beaucoup d’autres encore, nous inclinerions à laisser au pouvoir exécutif toute l’initiative avec toute la responsabilité d’une aussi grave mesure, à une condition pourtant : c’est qu’il subsiste à côté du pouvoir exécutif un autre pouvoir qui puisse, nous ne disons pas empêcher un coup d’état, mais modérer l’action du gouvernement pendant la vacance momentanée d’un des pouvoirs législatifs. Quant à la manière de régler cette transmission, la question n’est certes pas sans importance. Sera-ce par un appel au pays et par l’élection d’une constituante ? C’est agiter et troubler profondément peut-être le pays. Sera-ce tout simplement par les deux chambres réunies en congrès ? Ce moyen nous paraîtrait bien préférable en ce qu’il maintiendrait dans la grave enceinte d’un parlement une de ces questions qui peuvent