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servante. Nestor constate également l’usage de la crémation parmi les tribus slaves et même chez les Krivitches, dont le territoire s’étendait jusqu’aux environs de Novgorod. Les fouilles de M. Ivanovski prouvent ou bien que cet usage n’a jamais existé chez les Slaves de l’Ilmen, ou bien qu’on y a très anciennement renoncé.

M. Samokvasof, professeur à l’université de Varsovie, a fait des découvertes non moins importantes, mais qui l’ont conduit à d’autres résultats, dans les gouvernemens de Tchernigof et de Koursk. Le premier annaliste russe, Nestor, se plaçant à son point de vue de moine chrétien, a dépeint les mœurs des Slaves païens sous les plus noires couleurs. « Les Drévliens vivaient d’une manière bestiale et vraiment comme des animaux sauvages ; ils s’égorgeaient entre eux, se nourrissaient de choses impures, ne voulaient point de mariage… Les Radimitches, les Viatitches et les Sévérianes habitaient les forêts comme des bêtes fauves, se nourrissaient de saletés,… n’admettaient pas le mariage. » Bien avant lui, Jornandès le Goth avait dit des Slaves « qu’ils avaient pour villes (pro civitatibus) les marais et les bois. » Forts de ces témoignages, les historiens du XVIIIe siècle, après eux Karamzine, même des écrivains russes contemporains, avaient déclaré que les Slaves n’avaient que peu ou point de villes. Schlœzer les avait représentés comme des demi-sauvages qui n’avaient pas seulement l’idée d’une organisation sociale et politique, ni des moyens communs de défense. Les énumérations de villes slaves dans le géographe bavarois, dans Constantin Porphyrogénète, dans les auteurs arabes, dans les chroniques mêmes de Nestor, auraient dû mettre en défiance contre ces théories excessives. Comment expliquer d’ailleurs l’existence de ce qu’on appelle en Russie des gorodichiché, sortes de petites enceintes formées d’une levée de terre ? Il est vrai que jusqu’à présent les archéologues russes n’avaient pas été d’accord sur la destination de ces monumens : beaucoup voyaient en eux des enclos sacrés, des lieux destinés au culte. Le comte Ouvarof, après ses fouilles dans le pays des Mériens, s’est prononcé nettement l’un des premiers pour une autre explication. Les gorodichtché (diminutif de gorod, ville) sont les anciennes cités des Slaves, les places fortes derrière lesquelles se trouvaient les habitations. Les recherches de M. Samokvasof, exposées dans son livre intitulé les anciennes Villes de Russie, et dans un mémoire lu au congrès, confirment cette manière de voir. Loin que les Slaves fussent dénués de villes, M. Samokvasof en compte 160 dans le gouvernement de Tchernigof, 60 dans celui de Koursk, 50 dans celui de Toula ; il estime qu’il en existe des milliers sur la terre russe, et que la plupart remontent à une très haute antiquité. Ces gorodichtché sont situés ordinairement sur une rive escarpée, à un