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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/838

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est vrai que parmi ces 1,254,000 inscriptions il y en a 238,000 au porteur, dont plusieurs peuvent être réunies dans les mêmes mains, il est vrai encore qu’une même personne peut avoir plusieurs inscriptions nominatives ; mais, même en tenant compte de tous ces doubles emplois, on peut admettre qu’il y avait en France en 1869 environ 1 million de propriétaires de rentes, nous ne voulons pas dire 1 million de rentiers : cette expression entraîne avec soi une idée d’oisiveté et d’aisance ; or l’on n’est pas nécessairement oisif et à son aise parce que l’on a une petite rente sur l’état. Il est donc probable que de 1830 à 1869 le nombre des possesseurs de rentes a presque décuplé en France, quoique la dette publique ait seulement doublé dans l’intervalle. Le chiffre des souscriptions irréductibles à nos emprunts est une autre preuve de cette vulgarisation des titres de nos fonds publics. On eut l’heureuse idée de déclarer irréductibles toutes les petites souscriptions. Dans le premier emprunt de l’empire, celui de 250 millions en 1854, ce privilège de l’irréductibilité était attribué à toutes les demandes individuelles ne dépassant pas 50 francs de rente. Il se présenta 99,224 souscripteurs, dont 60,142 irréductibles. A l’emprunt suivant, qui était deux fois plus considérable que le précédent, il s’offrit 180,480 souscripteurs, dont 170,820 irréductibles. Dans l’emprunt de 750 millions, on vit se présenter 316,976 souscripteurs, dont 223,262 irréductibles. L’emprunt de 1859 n’admettait l’irréductibilité que pour les rentes ne dépassant pas 10 francs : il y eut 690,230 souscripteurs, dont 530,893 jouissaient du privilège. Dans les emprunts postérieurs, il n’y eut plus que les souscriptions de 5 francs ou de 6 francs de rentes qui furent garanties contre toute réduction. Le chiffre des souscripteurs monta en 1868 à 832,798. Dans nos derniers grands emprunts, ce chiffre a encore été dépassé. On voit quelle a été la progression de l’empressement du public à souscrire aux immenses et successifs emprunts de la France. Chaque année, nos titres de rentes descendaient dans une couche nouvelle et plus profonde de la population : on ne peut nier que ce ne fût en partie l’effet de ce système de souscription nationale.

Si l’on recherche quel a été le développement de la dette publique sous l’empire, on voit que le chiffre des rentes inscrites au 1er janvier 1870, c’est-à-dire à la veille de la guerre, était de 358 millions en chiures ronds ; mais il convient de déduire 3 millions de rentes appartenant à l’amortissement. La dette de la France avant la guerre s’élevait ainsi à 355 millions de francs d’intérêts annuels, représentant un capital nominal d’environ 12 milliards de francs. La somme des rentes existant en 1852 était, comme nous l’avons vu, de 231 millions de francs ; l’empire, jusqu’aux événemens de 1870, y avait donc ajouté 127 millions de rentes. Ce chiffre