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de l’emprunt. Il y a deux grands types de la dette publique dans les pays civilisés : l’un, le plus ancien, est celui des rentes perpétuelles, que l’état peut rembourser au pair, mais qu’il peut aussi laisser durer éternellement ; l’autre, le plus nouveau, est celui des obligations amortissables par tirage périodique. Nous avouons notre préférence pour ce dernier, c’est le seul qui garantisse et qui facilite l’amortissement des dettes publiques ; une longue expérience prouve au contraire que l’amortissement est presque fatalement intermittent et infinitésimal avec le système des rentes perpétuelles. Le public de toute l’Europe occidentale est d’ailleurs familier avec les obligations amortissables ; il y trouve un attrait spécial, celui de la prime dont le hasard peut gratifier au bout de quelques mois le porteur de titres. Un financier bien connu, M. Bartholony, proposa un plan pour l’émission d’un emprunt de 3 milliards 800 millions en obligations amortissables dans un délai de quatre-vingt-dix-neuf ans par des tirages annuels. Suivant lui, il eût été possible, grâce à la séduction qu’exercent ces titres, de les placer dans le public à un taux qui eût permis de payer l’intérêt et l’amortissement avec une annuité sensiblement égale à celle qu’absorbe le paiement des seuls intérêts pour un emprunt en rentes perpétuelles. Ce projet ne prévalut pas ; on préféra s’en tenir à une méthode qui avait toujours été depuis la révolution celle de l’état français : on émit des rentes perpétuelles. Nous félicitons le gouvernement d’alors de n’avoir pas fait ses deux grands emprunts en fonds 3 pour 100, comme beaucoup de personnes le lui conseillaient. Il les a émis en 5 pour 100, qui est un fonds plus près du pair et dont il est possible d’espérer la conversion en 4 1/2 dans des temps meilleurs. Le gouvernement aurait mieux fait, croyons-nous, de créer du 6 pour 100, comme les États-Unis d’Amérique ; il aurait pu le placer aux environs du pair, et très prochainement par une conversion nous serions allégés du sixième des intérêts de notre dette nouvelle.

M. Léon Say, dans son rapport sur le paiement de l’indemnité de guerre, est entré dans de très curieux développemens sur les opérations de change qui ont été liées aux deux grands emprunts. Le premier, celui de 2 milliards 226 millions, a été un peu plus de deux fois couvert, les souscriptions s’étant élevées à 4 milliards 897 millions ; le second, celui de 3 milliards 398 millions, a été treize fois couvert, les demandes ayant monté à 43 milliards 816 millions. Le régime des emprunts par voie de souscription publique a bien des fois donné des résultats analogues. Nos deux grands emprunts ont tiré de leurs cachettes une forte partie des réserves métalliques qui existent chez nous en quantités considérables dans toutes les mansardes et dans toutes les chaumières, ils ont provoqué la vente et l’exportation d’une masse de titres de valeurs