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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/866

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entre elles, se mêlèrent dans la discussion : le veto royal, la permanence du corps législatif et sa division. Les grandes luttes oratoires entre les partisans du veto absolu et ceux du veto suspensif, entre Mirabeau, Malouet et Thouret d’une part, Barnave et Péthion de l’autre, sont célèbres. Le droit de veto parut à tous les publicistes la question importante pour la couronne. Était-il plus facile d’exercer un veto suspensif que d’exercer un veto absolu ? Mounier ne le pensait pas ; il trouvait que le danger était le même. Lorsqu’une assemblée qui proposait une loi attacherait un grand prix à ses résolutions et qu’elle serait secondée par l’opinion publique, le veto suspensif ne produirait-il pas autant d’inconvéniens que le veto absolu ? Il ne blesserait pas moins l’amour-propre du corps législatif, et Mounier ajoutait ces paroles profondes : « quand on connaît le peuple, on connaît combien ses volontés sont impétueuses, et que le moment présent ou très prochain est le seul qui frappe ses regards. Ce qu’il peut attendre six mois, il peut l’attendre toujours. »

C’était sur le terrain des deux chambres que les passions avaient pris rendez-vous. L’abbé Maury et le côté droit ne cessaient de répéter : « Si nous établissions deux chambres, la constitution pourrait se maintenir. » L’irritation s’accroissait par cette résistance opiniâtre des deux premiers ordres. De plus en plus la cour poussait le roi à commettre la faute grave de quitter le rôle du chef de la nation pour se montrer le défenseur de l’aristocratie. La création d’une chambre haute et surtout la prévision des élémens dont elle se composerait excitaient dès lors au plus haut degré les préventions des députés du tiers. Ces préventions, la noblesse aurait pu seule les faire cesser en déclarant par la bouche de ses orateurs qu’elle ne voulait pas revenir à un passé pour toujours détruit. Elle ne le fit pas, et, de même que la cour avait rejeté la constitution anglaise, la noblesse repoussa la chambre des pairs. C’est ainsi que le comité de constitution vit le 9 septembre 1789 rejeter à une majorité écrasante son système de la division en deux chambres avec l’élection à la base. On peut lire dans les Mémoires de Ferrières les détails de cette orageuse séance. Mounier et ses amis passèrent de banc en banc pour relever les défaillances, mais ils ne purent triompher des méfiances des uns et des injures des autres. « Aucun de nous, a écrit Rabaut Saint-Etienne, ne voyait précisément ce que serait cette chambre haute et ce qu’il serait. » Le 11 septembre, le projet du comité recevait un nouvel échec ; 673 voix contre 325 n’accordèrent que le veto suspensif. Mounier, Lally, Bergasse et Clermont-Tonnerre donnèrent leur démission de membres du comité de constitution.

Quand Montlosier prit place à l’assemblée à la fin de ce même