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UN
ROMAN AU XVIIIe SIECLE

Mme DE SABRAN ET LE CHEVALIER DE BOUFFLERS

Correspondance inédite de la comtesse de Sabran et du chevalier de Boufflers, 1778-1788, recueillie et publiée par MM. E. de Magnieu et Henri Prat. 1 vol. in-8o ; Plon.

Qui dira le dernier mot de ce XVIIIe siècle promis à tant de fortunes diverses, prédestiné à frapper l’Europe par l’éclat des catastrophes après l’avoir éblouie et conquise par toutes les séductions de la supériorité mondaine ? Qui fixera la physionomie mobile et complexe d’une époque où la grâce légère se mêle à tout, même aux affaires sérieuses, où tous les raffinemens de l’élégance et de l’esprit se concentrent dans une société près de périr ? Vous n’avez pas oublié peut-être cette page courante, facile, d’un des plus brillans contemporains de ce monde évanoui, du spirituel et sceptique prince de Ligne, qui conduisit sa vie jusqu’au congrès de Vienne en 1815. « J’ai vu, dit ce héros de tous les plaisirs, j’ai vu Louis XV encore avec un air de grandeur de Louis XIV, et Mme de Pompadour avec celui de Mme de Montespan. J’ai vu des fêtes enchanteresses à Chantilly, des spectacles et des séjours où tout ce qu’il y avait de plus aimable était rassemblé. J’ai vu les délices du Petit-Trianon, les promenades sur la terrasse, les musiques de l’Orangerie… J’ai vu jusqu’aux restes des beaux jours de la Lorraine, qui ne tombait pas de bien haut, mais qui enfin existait encore du temps du petit roi Stanislas, qui avait hérité de l’affabilité, de la bonhomie et des