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autorisée à reprendre son ancien gouvernement synodal, et que le conseil d’état a ratifié les décisions du synode. Au fond, les argumens juridiques de la minorité étaient tous tirés de l’état où se trouvait le protestantisme quand il a été reconnu par la loi de germinal. Les libéraux soutenaient qu’à cette époque la confession de La Rochelle était entièrement tombée en désuétude, que l’église se composait uniquement de paroisses rattachées par groupes à des consistoires indépendans l’un de l’autre, et que le premier consul, par cela seul qu’il ne lui avait pas rendu le pouvoir de se centraliser, avait eu clairement l’intention d’établir, non pas une église unique, mais plusieurs églises locales. De bonne foi, le premier consul serait fort étonné d’apprendre que tel était son but. Si ses instincts de domination lui faisaient craindre l’autorité qu’auraient pu acquérir les synodes généraux, il n’eût pas moins redouté la perspective d’un ensemble d’églises sans doctrine arrêtée, et où l’on eût pu sortir du protestantisme historique pour aller à tous les points cardinaux.

Les libéraux soutenaient encore que l’église visée par les articles de germinal était l’ensemble des populations qui se rattachaient à une même tradition. Suivant eux, c’était dans cette filiation commune que résidait le lien qui, malgré la différence des conclusions, faisait encore des orthodoxes et des libéraux une seule corporation et qui les rattachait à une même tendance. De bonne foi encore, il faut être résolu à ne pas tenir compte des faits pour parler aujourd’hui d’une tradition commune. Les orthodoxes et leurs contradicteurs procèdent d’une même souche, comme les ultramontains et les athées des pays catholiques sont sortis d’un même tronc, ce qui signifie que leurs arrière-grands-pères avaient une croyance commune ; mais à l’heure qu’il est il n’y a plus que luttes et tendances diamétralement opposées. D’ailleurs il faudrait cependant songer à la France qui est chargée de payer le traitement des pasteurs. Par rapport à elle, il est monstrueux qu’un parti, au nom de ses théories, qui sont seulement ses théories à lui, réclame pour une classe de Français le privilège d’enseigner tout ce qui peut lui plaire aux frais du pays.

En définitive, toute cette affaire, y compris les jugemens de la presse, a été comme un chaos de sous-entendus, de malentendus, de sophistique plus ou moins naïve. A cet égard, l’avant-dernier épisode du débat n’a pas été le moins curieux : nous faisons allusion au manifeste que les consistoires libéraux ont adressé au ministre pour s’excuser de leur refus d’obéissance, et où ils invoquent le devoir suprême d’obéir à Dieu et à la conscience plutôt qu’aux hommes. Rien de plus noble que les sentimens développés sur ce thème, et assurément, en tant qu’ils signifient des individus prêts à risquer leur position plutôt que de trahir leur conviction, ils ne méritent que le respect ; mais, quelques lignes