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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/964

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en s’attachant à observer strictement la couleur locale propre à chacune des contrées où il nous conduit.

Ce n’est certes pas une tâche facile que d’écrire pour de jeunes lecteurs ; il faut éviter les sujets trop graves, se tenir à égale distance de la fausse simplicité, de la mièvrerie puérile où versent si souvent les auteurs qui prétendent s’adresser aux enfans, et du ton doctoral, du sermon qui fait bâiller. L’œuvre commune exige de la part de l’éditeur, de l’écrivain et de l’artiste des qualités rares d’intelligence, de tact et de goût, et l’on peut dire que ces qualités se rencontrent au plus haut degré dans la Bibliothèque d’éducation fondée par M. Hetzel, où la morale, la science, l’histoire et l’aimable fiction obtiennent leur large part. Les encouragemens de l’Académie française n’ont pas manqué à ce recueil, qui depuis longtemps a mérité tous les suffrages, et qui a pour collaborateurs des écrivains d’une haute valeur, parmi lesquels M. Hetzel lui-même, sous le pseudonyme de P.-J. Stahl, tient l’un des premiers rangs.

Les livres d’étrennes qu’on destine aux enfans sont trop souvent riches d’aspect et pauvres de fond ; les enfans s’amusent de tout, et l’on se dispense de choisir la nourriture intellectuelle qu’on leur offre. La collection Hetzel mérite sous ce rapport d’être classée à part : on ne saurait rien imaginer de plus sain ni de plus délicat, rien de plus digne d’être mis dans les mains d’enfans bien élevés, que ces Albums Stahl, que cette Bibliothèque de Mlle Lili et de son cousin Lucien, qui s’enrichit chaque année de quelques volumes nouveaux, et à laquelle des écrivains de talent et de renom ne dédaignent pas de consacrer leurs efforts. De jolies gravures, des vignettes sans nombre, de belles images vivement coloriées pour les petits qui commencent à lire, voilà ce qui égaie et embellit ces volumes destinés à faire tant d’heureux le jour de l’an !

Après avoir fait la part des enfans, n’oublions pas de dire un mot d’un livre charmant destiné à divertir des lecteurs de tout âge, œuvre d’un moraliste sans fiel qui manie le crayon aussi habilement que la plume, et qui a voulu retracer dans ses esquisses légères tous les traits caractéristiques de la physionomie de notre époque. Nous voulons parler de l’ouvrage de M. Bertall, la Comédie de notre temps. Dans le cadre léger qu’il a choisi, il nous dépeint spirituellement les costumes, les habitudes, les manies, les luttes et les fautes, les échecs et les succès des acteurs qui remplissent la scène contemporaine. Ce sont de petits tableaux pris sur le vif, qui resteront et qui conserveront pour la postérité l’image vivante de la société d’aujourd’hui.


R. RADAU.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.