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d’être accueillis que le marché des obligations de chemins de fer est en général recherché par les plus petites bourses pour lesquelles le moindre sacrifice serait le plus onéreux.

A un point de vue plus général, les déceptions auxquelles donnerait lieu un imprudent emploi du crédit pour les chemins d’intérêt local réagiraient sur le crédit des grandes compagnies. S’il arrivait que les obligations d’un chemin de fer quelconque fussent en péril, la confiance dont jouissent tous les titres analogues risquerait d’être altérée, et les compagnies les plus solides en seraient affectées. Or c’est le capital des obligations qui est destiné à faciliter la continuation des lignes que l’on sollicite de toutes parts. Comment ne point ménager avec le plus grand soin cette forme de capital ? Les compagnies y sont intéressées, ainsi que l’état, qui est leur garant, et le pays, qui veut des chemins de fer. C’est ainsi du reste que l’on se conformera utilement à la loi de 1865, loi excellente en principe. Elle a été faussée dans l’application par l’impatience des populations et des conseils-généraux, par les ardeurs de la spéculation financière. Elle avait été préparée pour établir un partage équitable entre les compagnies qui ont à desservir les grandes voies de communication et celles qui peuvent, avec le plus d’économie, suffire aux correspondances locales. Elle devait faire concourir les deux exploitations vers l’intérêt commun au moyen d’une entente que l’on désirait rendre profitable pour l’une comme pour l’autre. Ce qui prouve que l’on s’est écarté du but, c’est qu’au lieu de l’entente, on a la guerre. Cet état de choses est mauvais pour tous les intérêts. Les compagnies s’épuisent en efforts stériles, soit pour attaquer, soit pour se défendre, et pendant ce temps elles semblent négliger les réformes ou les perfectionnemens qui pourraient être introduits dans le service de l’exploitation. Comme d’habitude, c’est le public qui paie les frais de la guerre.


III

Sous le régime de la concurrence, la guerre entre les compagnies de chemins de fer n’a produit que de fâcheux effets ; elle a consommé sans profit d’énormes capitaux. A la suite de longs et ruineux débats, la paix a été faite, et l’on sait qu’aujourd’hui la concurrence n’existe plus en Angleterre ni aux États-Unis. Il serait vraiment étrange qu’après de tels exemples les chemins de fer français, qui n’ont point connu les périls de la liberté illimitée, fussent exposés, par leur propre faute ou par la faute des pouvoirs publics, aux désastres qui ont affligé d’autres pays. Au fond, il n’y a dans la querelle qui s’est engagée entre les grandes et les petites compagnies (ce sont les termes appliqués aux belligérans) qu’un malentendu des plus