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UN NATURALISTE
DU DIX-NEUVIEME SIECLE

LOUIS AGASSIZ
SES TRAVAUX EN AMERIQUE[1]


I

Nulle description, nulle peinture ne saurait rendre le sentiment qu’éprouve l’investigateur tout à coup jeté dans la contemplation d’une nature qui pour la première fois s’offre à ses regards. Pourvu de connaissances profondes acquises en d’autres lieux, l’homme d’étude saisit d’un coup d’œil le caractère du pays, l’attrait particulier de la végétation, les aspects de la vie animale. Ayant sur tous les autres hommes cet avantage inappréciable de savoir comparer, la vue de chaque objet ouvre dans son esprit la carrière à de curieux rapprochemens ; à des distinctions délicates, à des remarques infinies, à quelques-unes de ces généralisations sûres qui demeurent le triomphe de la science. Un observateur pénétrant tel que Agassiz ne pouvait manquer d’être captivé dès ses premiers pas sur le sol américain. Ressemblances ou contrastes avec l’Europe, procurant des surprises, des émotions, des joies, faisaient voyager la pensée. Le savant néanmoins n’était pas libre tout d’abord de s’abandonner entièrement à la recherche ; il était venu pour instruire. Les conférences annoncées à Boston avaient éveillé la curiosité, Agassiz trouva devant sa chaire un nombreux auditoire. Il avait

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.