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campagne, et au bout de quelques heures ils apportent des singes, des perroquets, des serpens, des poissons, des insectes. A Tajapuru, localité renommée pour le commerce du caoutchouc, Agassiz est plus que jamais émerveillé du nombre et de la variété des poissons de l’Amazone. « La richesse de la faune, dit-il, dépasse tout ce qu’on en rapporte. » Les Indiens de ce pays étant d’une habileté incomparable à la pêche, le naturaliste se trouve sans effort abondamment pourvu ; il donne tout son temps à l’étude des poissons, et, ravi de les voir nager dans de grands vases de cristal, il observe mille particularités intéressantes.

Les terres voisines des rives du fleuve, sur de grandes étendues, sont recouvertes d’une nappe d’eau ; les habitans jettent quelques troncs sur les mares et les rigoles, et ainsi va-t-on à sa case ou à la recherche des poissons dans les bois. Sur le sol mouillé sont en effet bâties, souvent avec élégance, les maisonnettes des Indiens. Pauvres gens, rapporte MM Agassiz, d’une courtoisie naturelle vraiment séduisante. Une promenade en canot dans la forêt à l’heure du soleil couchant laisse la plus vive impression aux explorateurs. Après avoir passé devant une forêt presque entièrement composée des magnifiques palmiers qu’on nomme des miritis, on touche à Gurupa, et bientôt on entre dans la rivière Xingu pour s’arrêter à Porto de Moz. Une collection de poissons de rivière et de poissons des bois attendait le professeur de Cambridge, dont la visite avait été annoncée. Voyant une multitude d’espèces jusqu’alors inconnues, le naturaliste était en extase ; il comptait chaque station sur l’Amazone parmi les plus heureux momens de sa vie. Continuant de remonter le grand fleuve, allant d’une rive à l’autre, c’étaient toujours de nouveaux enchantemens, une nature splendide, des sujets d’observations pleins d’intérêt. A Santarem, les membres de l’expédition durent se partager afin d’étendre le champ des recherches : les uns restèrent sur la place, les autres s’engagèrent sur le Tapajoz ; Agassiz partit pour Obydos, Villa-Bella et Manaos, où il devait séjourner. A Manaos se confondent dans les flots jaunes et précipités du Solimoens, comme on appelle l’Amazone dans la partie moyenne de son cours, les eaux tranquilles et noirâtres du Rio-Negro ; c’est la rivière vivante et la rivière morte, disent les Indiens. Les explorateurs ne s’abandonnant jamais à l’oisiveté, les collections déplantes et d’animaux grossissaient dans des proportions formidables. Pour des citoyens des États-Unis, les aptitudes des Indiens de cette région présentent un curieux spectacle ; il y a une école, et c’est merveille de voir combien les enfans manifestent de goût pour les arts de la civilisation ; que comprennent si peu les Indiens de l’Amérique du Nord. Ils apprennent la lecture, l’écriture, le calcul, la musique. On voit les Indiens fabriquer d’élégans ouvrages