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réforme théologique par l’application à la science religieuse de la méthode historique et critique, 2° émancipation de l’autorité littérale et surnaturelle de la Bible, 3° adhésion au principe de développement des croyances religieuses en opposition à l’immutabilité prétendue des dogmes. Nous pensons qu’un résumé rapide de ce livre hétérodoxe ne sera pas ici hors de propos.

Le premier essai, dû à la plume du docteur Temple, roulait sur l’idée jadis proposée par Lessing et Herder de l’éducation de l’humanité. L’auteur assimile le genre humain à un homme individuel qui passe par les phases successives de l’enfance, de la jeunesse et de la maturité. A l’enfance convient l’obéissance aveugle, par laquelle on se soumet à des préceptes positifs, uniquement parce qu’ils sont commandés. A la jeunesse, qui s’émancipe du précepte, il faut l’exemple, qui l’empêche de se perdre dans le rejet de toute loi en la rattachant au bien et au vrai par l’attrait de leur beauté. Si les religions de la nature, et même le judaïsme malgré des pierres d’attente annonçant une économie supérieure, correspondent à l’enfance de l’humanité, le christianisme, dont la personne rayonnante de Jésus occupe le centre, est la religion de la Jeunesse. Dans son âge mûr, l’humanité se conduira désormais d’après les principes dont l’expérience, la raison, la conscience, lui auront démontré la nécessité ; mais nous ne sommes pas encore entrés dans cette période de la maturité. L’histoire d’ailleurs ne se déroule pas d’après un plan strictement et simultanément conforme à la théorie. Par exemple, l’arrivée des barbares ramena l’Europe à l’état d’enfance, la foi et la morale d’autorité redevinrent nécessaires. Les temps modernes sont une période de jeunesse, mais les signes de la transition à l’âge mûr sont visibles. La preuve en est dans cette autorité même de la Bible, au nom de laquelle on prétendait enchaîner les libres mouvemens de l’esprit. comme la Bible est non pas une dogmatique, mais une histoire en langue morte, et qu’elle doit être interprétée, on voit non-seulement que les interprétations diffèrent et se succèdent, mais encore que cette succession suit une tendance constante. La conscience en effet finit toujours par avoir le dessus sur les textes. C’est donc au fond la conscience qui est l’interprète suprême. Bien que l’auteur prétendît maintenir l’autorité des livres saints, il résultait pourtant clairement d’une pareille théorie que cette autorité est seulement transitoire, une forme temporaire du mouvement de l’esprit.

M. Baden Powell avait pris pour sujet de son essai les preuves du christianisme (evidences of christianity), ce thème favori de la théologie anglaise depuis le XVIIe siècle. Il se plaignait du parti-pris qui dépare trop souvent les déductions des apologistes les plus