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mêmes bénéfices un droit exclusif de participation ? Peuvent-ils, sans le consentement du pape, établir pour les besoins du royaume des impôts sur les gens d’église ? Ici encore les deux pouvoirs se trouvaient en complet désaccord. Sous prétexte que la collation des bénéfices leur appartenait sans partage, les papes se faisaient payer par les individus qui en sollicitaient l’obtention des sommes plus ou moins fortes dites grâces expectatives ; ils exigeaient des bénéficiers quand ils entraient en possession les annales, c’est-à-dire les revenus d’une année[1] ; ils levaient sous le nom de présens conciliatoires de lourds tributs sur tous ceux qui avaient affaire à leurs agens, camériers, huissiers et protonotaires. Ils trafiquaient des dispenses et des indulgences, et prétendaient s’arroger sur les biens de l’église un droit absolu de juridiction. Ils regardaient ces biens, en quelques lieux qu’ils fussent situés, comme faisant partie du patrimoine de saint Pierre. Ce patrimoine s’étendant suivant eux jusqu’aux bornes du monde, ils ne reconnaissaient à personne le droit d’en limiter l’accroissement ou d’en user pour des intérêts temporels, et quelques-uns d’entre eux prétendirent même s’attribuer, pour l’accroître, la fortune des laïques morts intestat à l’exclusion de leurs héritiers naturels.

Les exacteurs chargés de recueillir les deniers de saint Pierre forçaient les prêtres « à vendre les tuiles de dessus leurs maisons, leurs livres, leurs calices, ornemens et autres joyaulx de leurs églises. » Déjà du temps de saint Louis la levée des tributs pontificaux avait notablement appauvri le royaume, comme le constate une ordonnance de ce prince à la date de 1263 ; au XVe siècle, elle en faisait sortir par année plus de deux millions d’écus, et de La Noue, dans son Discours sur la pierre philosophale, a pu dire avec raison que les papes seuls avaient trouvé cette pierre merveilleuse, car les 40 livres de plomb qui leur servaient à sceller leurs bulles valaient au plus 10 écus, et elles se changeaient chaque année en 4,000 livres pesant d’or.

Les papes ne se contentaient pas d’exploiter les fidèles sous ombre de religion ; ils voulaient aussi soumettre au fisc pontifical les sujets du royaume, et ne voulaient point permettre aux rois de lever des impôts sur les gens d’église. Ils rencontrèrent encore de ce côté une vive résistance ; le clergé, malgré leur opposition, fut assujetti aux aides ordinaires et extraordinaires, aux impôts de consommation et de circulation, à la taille pour ses biens patrimoniaux, aux décimes, aux dons gratuits ; on peut même dire, contrairement

  1. Aujourd’hui les évêques et les archevêques paient encore au saint-siège, sous le nom de droit de bulle, le tiers de leur traitement d’une année.