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conseil des anciens sera la raison. Eh bien ! ce fut en s’appuyant sur la raison de la république pour en calmer l’imagination que Bonaparte renversa la république. Grâce à la complicité du conseil des anciens, la dissolution du conseil des cinq-cents fut simple affaire de grenadiers… » M. Louis Blanc, qui est un historien et qui interroge sans doute les causes des événemens, est-il bien sûr que ce soit là l’unique raison d’être du 18 brumaire ? En est-il à reconnaître que, si cette révolution consulaire a été possible, c’est précisément parce qu’il y avait eu une assemblée unique qui avait érigé la terreur en gouvernement, qui, après avoir épuisé toutes les fureurs, tous les excès, avait laissé la France sanglante, déchirée, fatiguée de crimes, démoralisée par les corruptions, aspirant à la paix, même sous un maître ? Qu’il y eût alors une seule chambre ou deux chambres, c’était parfaitement indifférent. M. Louis Blanc a eu d’ailleurs sous les yeux un autre spectacle également instructif. Il n’y avait qu’une assemblée en 1851, le nouveau 18 brumaire s’en est-il moins accompli ?

Cela veut dire que, dans ce système, si une assemblée est dominée par un même esprit, par une même passion, elle peut devenir une monstrueuse tyrannie ; si elle est divisée, partagée en factions presque égales, elle est l’impuissance : de toute façon, le résultat est le même parce qu’il est préparé par des causes plus générales et plus profondes. Nous ne parlons pas des moyens que M. Louis Blanc nous offre généreusement pour notre réorganisation militaire ; ils sont en harmonie avec le système, ils sont renouvelés des jacobins. C’est bien simple : les jeunes gens vont au combat par millions, les femmes font des tentes, les enfans font de la charpie, les vieillards vont sur les places publiques pour enflammer les courages, prêcher la haine des rois et l’unité de la république, les bannières portent cette inscription : « le peuple français debout contre les tyrans ! » Voilà qui est entendu ; avec cela, on a des armées selon la recette radicale. M. de Bismarck ne peut manquer d’envoyer ses complimens et son approbation aux convives de Saint-Mandé en souhaitant bon succès à des idées si manifestement propres à relever la puissance et à faire le bonheur de la France. Heureusement nous n’en sommes pas encore là.

M. Louis Blanc s’intéresse sans doute à la république. Eh bien ! il n’a qu’à regarder autour de lui, à mettre la main sur le cœur du pays et à se demander sérieusement ce que durerait la république avec le système qu’il préconise, avec la convention, les clubs, les assemblées élues à courte échéance, un pouvoir exécutif sans autorité, l’agitation en permanence, le travail bientôt ralenti et suspendu. Croit-il qu’une nation s’accommode longtemps de ce régime ? Si cette modeste république de 1875, pour laquelle M. Louis Blanc et M. Naquet ont peu de goût, a quelque chance de vivre, c’est précisément au contraire parce