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tu l’as couronné. — Tu as fait de lui le maître de tes œuvres, — tu as tout mis sous ses pieds.

« Les brebis et les bœufs, tout à la fois, — et aussi les animaux des champs, — oiseaux du ciel, poissons de la mer, — tout ce qui parcourt les sentiers de l’onde.

« Éternel, notre Seigneur! — Que ton nom est grand par toute la terre! »


Ou tout nous trompe, ou voilà un jet admirablement pur du sentiment religieux le plus authentique. C’est dans des pièces de ce genre que le monothéisme juif révèle son immense supériorité sur les meilleurs épanchemens des religions de la nature. Cet accent d’humilité devant Dieu tout à la fois et de fierté vis-à-vis de tout ce qui n’est pas l’homme, cette admiration émue, mais contenue, de la nature visible, cette joie de vivre en maître sur la terre par délégation divine, tout dans ce petit poème respire la religion virile et saine. Comme on aimerait à retrouver toujours dans les annales de la piété cette harmonie de deux tendances qui sont parfaitement conciliables, et que pour son malheur l’homme oppose trop souvent l’une à l’autre ! Ou bouddhiste, c’est-à-dire passif et inerte, ou actif, mais révolté, on dirait qu’il ne sait pas trouver le moyen terme! Pourtant ce milieu existe, et c’est parce qu’il s’y tient que le psaume 8 est si beau. Il faut signaler aussi au même point de vue cette belle fin du psaume 65, où le psalmiste chante sa reconnaissance à la vue de la terre fertilisée par les ondées célestes :


« Tu couronnes l’année de ta bonté. — Tes sillons ruissellent de fécondité, — les pacages de la lande sont reverdis, — les collines se ceignent d’allégresse, — les prairies se couvrent de bétail, — les plaines se revêtent de blé, — tout jubile et tout chante[1]. »


Tout le monde connaît les premiers mots si souvent cités du psaume 19, le Cœli enarrant gloriam Dei de la version latine. C’est encore une belle interprétation religieuse de la nature, un morceau de facture antique. On y respire le souffle du mystère divin que laisse entrevoir la création, en même temps qu’on y trouve un curieux indice de l’idée que les anciens Israélites se faisaient du soleil et de sa course quotidienne,


« Les cieux racontent la gloire de Dieu, — le firmament proclame

  1. C’est un des rares fragmens que la version française rimée a heureusement paraphrases :

    Et cette richesse champêtre
    Par de muets accords
    Chante aussi l’auteur de son être,
    Qui répand ses trésors.