Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

obscure. Ainsi les vitres d’une serre laissent passer en pleine liberté toute la portion du rayonnement solaire qui est à la fois lumineuse et chaude, mais s’opposent à la sortie des radiations calorifiques obscures émises par la terre ou les plantes. Or notre atmosphère contient toujours, et parfois en quantité considérable, un gaz moins perméable encore à la chaleur que le verre, nous voulons parler de la vapeur d’eau. Il n’est pas question ici de la vapeur visible, condensée sous la forme de nuages ou de brouillard, il s’agit de celle qui reste invisible, admirablement transparente, et qui se trouve mélangée à l’air sans en altérer la limpidité. Grâce à cette substance, particulièrement abondante dans les couches les plus voisines du sol, l’atmosphère est à la fois pour la terre un léger vêtement capable de tempérer les ardeurs de l’été et un chaud manteau qui la protège des rudes frimas de l’hiver ; mais la présence de cette vapeur constitue une difficulté réelle dès que l’on entreprend d’évaluer la chaleur solaire.

Pouillet, dont les importans travaux ne sauraient être passés sous silence, avait cherché à déterminer la quantité de chaleur absorbée par l’air en mesurant l’énergie de la radiation aux diverses heures de la journée, c’est-à-dire pour des épaisseurs très différentes de la couche gazeuse traversée par les rayons du soleil. Sa méthode ne laisserait rien à désirer, si l’atmosphère offrait une composition constante en tout point et à toute heure du même jour ; mais le corps qui joue le rôle prédominant dans ces phénomènes d’absorption, la vapeur d’eau, est précisément réparti dans les proportions les plus inégales et les plus variables. De là une incertitude impossible à éviter et qui n’eût certainement pas échappé à Pouillet, si l’énergie de l’absorption exercée par la vapeur d’eau eût été alors connue, comme elle l’est aujourd’hui, depuis les belles expériences de M. Tyndall. On peut donc s’étonner que les physiciens assez nombreux qui ont repris dans ces dernières années les mesures de chaleur solaire conseillées jadis par Herschel et inaugurées par Pouillet aient presque entièrement négligé cet élément essentiel de la question. La plupart d’entre eux, il est vrai, ne quittant pas leur laboratoire, se privaient des moyens d’apprécier avec quelque précision la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air depuis la surface du sol jusqu’aux confins de l’atmosphère. Les mesures de ces expérimentateurs, en tête desquels il faut citer le savant directeur de l’observatoire romain, le père Secchi, n’en conservent pas moins une valeur considérable, car elles font connaître sinon la quantité de chaleur que nous envoie le soleil, du moins celle qui arrive directement jusqu’à nous.

Deux physiciens seulement, que je sache, M. Soret de Genève