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à répéter sans cesse que la France est perdue, qu’elle ne peut avoir aucune alliance tant qu’elle n’a pas la monarchie, c’est une manière de comprendre le patriotisme et même la situation de l’Europe. M. Thiers montre supérieurement que l’Europe n’en est plus aux défiances à la sainte-alliance de 1815, pas plus qu’aux alliances absolutistes de 1830, que partout la politique de non-intervention s’est substituée à la politique d’intervention dans les affaires des peuples. L’Europe en est venue à n’avoir plus ni préférences marquées ni répulsions au sujet du régime intérieur que notre pays peut se donner. Tout ce qu’elle désire, c’est de retrouver une France digne de l’estime et des sympathies qu’elle inspire, constituée sous une forme ou sous l’autre de façon à offrir des garanties. Le secret de ce que la France peut attendre de l’Europe est peut-être tout entier dans ce mot prêté au prince Gortchakof : « il n’y a que l’instabilité qui n’a pas C’est à nous de nous arranger pour n’être pas cette « instabilité » aux yeux de l’Europe, M. Thiers l’a dit avec une raison nette et résolue : « La république est votée. Que faut-il faire ? Je réponds sans hésiter, une seule chose, et tous, tout de suite : s’appliquer franchement, à la faire réussir. » Comment peut-elle réussir ? À une condition, et à cette condition seule, c’est qu’elle soit « un gouvernement régulier, sage, fécond, » assez vigoureusement organisé pour être le protecteur vigilant, efficace de tous les intérêts extérieurs et de la France. Tout est là : c’est précisément le programme de cette session qui va s’ouvrir, où dès le premier jour vont se présenter pour le gouvernement, pour les partis des questions de législation, de conduite, de prudence qui résument en définitive la politique du moment.

De quoi s’agit-il ? La constitution du 25 février, avec les lois qui la complètent, a été adoptée comme le régime défini et précis de la France. Cet ensemble constitutionnel, les uns l’ont voté parce qu’il portait le nom de la république, les autres parce qu’il réunissait les plus garanties conservatrices ; tous sont aujourd’hui également intéressés à le « faire réussir, » selon le mot de M. Thiers, à en assurer sincère et pratique, à lui imprimerie plus promptement et le plus possible tous les caractères d’un régime régulier, à ne pas le laisser enfin livré aux entreprises des partis hostiles par une et par des procédés d’exécution de nature à l’altérer et à le Est-ce que cela ne tranche pas déjà moralement la première, la plus grave question qui attend l’assemblée à son retour, celle du choix d’un mode de scrutin dans la loi électorale ? Est-que cela ne pas suffire pour faire de l’élection par arrondissement, non par le programme d’un parti constitutionnel résolu à mettre le régime du 25 février à l’abri d’une bourrasque de scrutin ? Le malheur