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Quel pas franchi depuis les premiers tâtonnemens, alors que le mineur lavait si péniblement les terres à la sébile, au berceau, quel progrès réalisé depuis le temps où fonctionna le premier système hydraulique ! Nous sommes en présence non-seulement d’une méthode scientifique aussi ingénieuse qu’elle est puissante et hardie, mais encore d’autres gisemens qui ne seraient pas exploitables sans la découverte de cette méthode et les perfectionnemens successifs qu’elle a reçus. Le professeur Silliman de New-Haven a calculé que, la journée du mineur californien étant comptée à 3 dollars, le lavage de 1 mètre cube de terre coûte à la sébile 15 dollars, au rocker 3 dollars, au long-tom 75 cents, et seulement 10 cents par le procédé hydraulique[1]. Ces chiffres donnent les limites inférieures des quantités d’or que les terres doivent contenir pour être utilement lavées par telle ou telle méthode, et en même temps le volume de ces terres qu’un homme peut laver dans sa journée par chaque méthode : c’est le cinquième de 1 mètre cube à la sébile et 30 mètres cubes par le procédé hydraulique. On peut donc dire que ce dernier augmente dans le rapport de 1 à 150 les résultats du plat californien, et permet par conséquent de laver des terres cent cinquante fois plus pauvres.

Les volumineux débris de ces nouvelles exploitations ont été souvent une cause d’embarras à la surface du sol et même dans le lit des rivières, qu’ils troublent et qu’ils barrent. On comprend quel désordre doivent jeter dans le système hydraulique naturel d’une contrée ces immenses amas de cailloux, portés tout à coup par la vidange des canaux de lavage dans les lits réguliers des cours d’eau. Des bancs de sable exhaussant le fond, des barres transversales changeant la direction du courant, se sont formés dans le Sacramento lui-même. Ce fleuve et ses affluens ne roulent plus que des eaux troubles, tenant en suspension des argiles et des sables rougeâtres. En 1859, descendant par eau de Marysville à la ville de Sacramento, je pouvais déjà noter les premières apparences du mal. Si le lavage d’une partie des placers superficiels et des minerais de quartz en était la cause, combien cette cause n’a-t-elle pas grandi devant l’impulsion donnée au travail des placers souterrains! L’hydrographie elle-même de la baie de San-Francisco est aujourd’hui affectée par les décharges provenant de ces formidables exploitations. Comment en serait-il autrement? La longueur de tous les canaux des mines atteint maintenant 10,000 kilomètres, de quoi faire une ceinture au quart de la circonférence du globe.

  1. Le cent est le centième du dollar, et le dollar vaut un peu plus de 5 francs.