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vivait, il entendait dire que « cela ne pouvait pas durer, » il était fort disposé à le croire. Il n’en fut pas moins indigné du retour de l’île d’Elbe, et plus indigné encore des transformations intéressées qu’il voyait s’opérer autour de lui. « Il revient, disait alors M. de Barante, pour nous déshonorer tous. » Si dévoués que ses parens eussent été à la monarchie impériale, c’était aussi leur sentiment, et l’empereur, qui le savait, eut soin de les exiler à quarante lieues de Paris. Ils passèrent en famille le temps des cent jours dans la Haute-Garonne, étrangers à tous les événemens, et c’est là qu’ils apprirent la seconde restauration et la nomination de M. de Rémusat père à la préfecture de ce département, où, du fait de sa femme, il possédait la terre de Lafitte. Si la seconde restauration avait su se préserver des excès où elle est tombée, peut-être M. de Rémusat, libéral sincère et sans parti-pris hostile, s’y serait-il rallié; mais il n’en fut rien, et quand sévit la réaction royaliste, quand le procès du maréchal Ney, celui de M. de Lavalette et les massacres du midi vinrent pénétrer de douleur et d’indignation toutes les âmes généreuses, alors les ménagemens ne lui parurent plus de saison, et il se plaça résolument dans les rangs les plus actifs de la politique libérale. « Nous ne savions pas, dit-il, la révolution, c’est la restauration qui nous l’apprit. Avec une rapidité singulière, la première vue de la restauration fît comprendre, même à ceux qui l’accueillaient sans vive inimitié, pourquoi l’ancien régime avait dû périr, pourquoi la révolution s’était faite. »

Après les cent jours, on le comprit bien mieux encore, et la résolution de sauver à tout prix la conquête de la révolution se grava profondément dans les cœurs; mais les uns travaillèrent à l’œuvre commune au moyen des sociétés secrètes et des conspirations, les autres par les voies légales et par la discussion publique. M. de Rémusat fut un de ces derniers, et il ne tarda pas à prendre sa place parmi les écrivains qui cherchaient à concilier les idées nouvelles avec la tradition. Ainsi en 1817, quand il avait vingt ans à peine, il écrivit, sous ce titre un peu ambitieux : la Jeunesse, quelques pages assez vagues encore, mais qui déjà montraient les jeunes générations prêtes à paraître sur la scène avec leurs idées propres, et aspirant à y jouer un rôle original. Ce n’était d’ailleurs qu’un essai qui fut suivi en 1818 de trois articles plus importans, le premier sur la situation des gouvernemens, le second sur la bonne foi dans les opinions, le troisième sur la révolution française, à propos des Considérations de Mme de Staël, qui venaient de paraître. Ce dernier, communiqué à M. de Barante, fut remis par celui-ci à M. Guizot, qui le jugea digne d’être inséré dans les Archives, dont il était le directeur. Il y parut avec une sorte de préface où M. Guizot insistait sur l’influence que le livre de Mme de