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dans les provinces tributaires ou sujettes de la Porte-Ottomane que l’agitation devint aussi chronique que périlleuse Le malheureux Turc fut assailli de toutes parts : un jour c’était le vladika de Monténégro qui lui demandait sur un ton menaçant tel port de l’Adriatique, un autre jour c’était le prince de Serbie qui réclamait l’évacuation de telle forteresse en appuyant sa requête d’armemens extraordinaires. De nombreux convois d’armes arrivaient de la Russie dans les provinces danubiennes sous la fausse désignation de matériel pour la construction de chemins de fer[1], tandis que des navires de guerre grecs ne cessaient de vouloir rallumer à toute force dans l’île de Crète une insurrection près de s’éteindre et qui, à la vérité, n’avait jamais eu un foyer très grand. C’était l’époque des « comités de secours » et des « bandes libératrices » envahissant tantôt les états du pape au cri de Roma o morte ! tantôt faisant incursion dans la Thessalie pour venger « les mânes outrages de Phocion et de Philopœmen, » ou bien encore franchissant jusqu’à cinq fois dans l’espace d’un an le Danube du côté de la Roumanie afin de réveiller dans les Balkans « le lion à la crinière d’or! » — « Aujourd’hui c’est à nous, frères, qu’il appartient de prouver à la diplomatie européenne qu’il existe encore des descendans du terrible Krum; le lion à la crinière d’or vous appelle et la trompette de la guerre. » Ainsi s’écriait au mois d’août 1868 une proclamation datée des « Balkans » et signée gouvernement provisoire[2]. « Il est de fait, mandait le 6 février 1868 dans un curieux rapport adressé au comte de Beust l’agent de l’Autriche dans les principautés le baron d’Eder, il est de fait qu’à Bukharest, comme dans, différentes villes des bords du Danube, il existe des comités bulgares : leur but est de provoquer des troubles en Bulgarie, de les appuyer, de leur donner des proportions plus étendues que celles de l’an passé. Tout dernièrement encore on était persuadé ici qu’au retour du beau temps éclateraient des complications sérieuses dans l’Europe occidentale qui permettraient à la Russie de déclarer la guerre à la Turquie, et, dans la prévision de ces événemens, on a fait des préparatifs pour influencer avec énergie le soulèvement bulgare. Bien que le gouvernement des principautés se trouve entre les mains d’un parti (radical) traditionnellement hostile à la Russie, il n’en penche pas moins vers cette puissance depuis un certain temps et attend d’elle la réalisation de ses efforts et de ses espérances. Les journaux de l’opposition (conservatrice) combattent ces tendances

  1. Voyez à ce sujet les documens parlementaires anglais, français et autrichiens de l’année 1868, et notamment les rapports des agens de l’Autriche à Iassy et à Bukharest.
  2. Annexe à la dépêche du consul de Knappitsch au baron de Prokesch à Constantinople, Ibraïla, 14 août 1868.