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Déjà les théories s’ébauchaient et prenaient corps. L’illustre Winckelmann, d’un sûr et ferme crayon, en traçait les grandes lignes. Partout d’intelligens et laborieux ouvriers concouraient à déblayer le terrain et à préparer les matériaux de l’édifice, ils amassaient des faits, ils tentaient de les interpréter. Les erreurs, les fantaisies abondaient encore ; mais qui s’en étonnerait ? Pas de science où les méprises soient plus faciles et plus excusables. Ce qu’elle étudie, ce sont les idées d’une civilisation éteinte, en tant qu’elles se sont manifestées dans les arts plastiques. Les signes dont elle cherche à déterminer le sens, ce ne sont pas, comme pour les monumens écrits, des mots dont la valeur est connue ; ce sont ou des combinaisons de lignes géométriques, ou des formes empruntées au monde de la vie, depuis le plus humble végétal jusqu’à l’homme. Architecture, peinture, sculpture, autant d’expressions du génie d’un peuple, de ses sentimens et de ses pensées ; mais, pour n’être pas moins spontanée et moins sincère, cette expression est nécessairement à distance moins claire que la littérature. Tandis qu’un même vocable a toujours à peu près même signification, une même figure peut, suivant les circonstances, traduire des idées très différentes : ici par exemple, elle jouera le rôle d’un symbole mystique, tandis que chez le même peuple, à un autre moment, ce ne sera plus qu’un pur motif de décoration. Les contemporains ne s’y trompaient point ; mais nous, que séparent d’eux tant de siècles, nous sera-t-il toujours aisé de faire la distinction ? Maintenant encore, après tant de découvertes et de travaux, des divergences d’opinion se produisent sans cesse en pareille matière entre les interprètes les plus autorisés ; à plus forte raison dut-il y avoir, au début, beaucoup d’incohérences et d’explications hasardées. Un grand résultat n’en avait pas moins été obtenu : on avait senti que l’âme et la pensée de l’antiquité n’étaient pas tout entières dans les écrits qu’elle nous avait laissés, et que l’historien avait tout au moins autant à prendre dans les monumens figurés. L’impression avait été rendue plus vive et plus forte encore par la découverte d’Herculanum et de Pompéi. C’était toute une révélation que ce coin du monde gréco-romain retrouvé et surpris, sinon dans le mouvement de sa vie, au moins dans l’abandon de son sommeil tant de fois séculaire, que ces maisons ornées de leurs peintures, de leurs meubles, de leurs ustensiles domestiques, que ces murailles couvertes de graffiti et comme toutes frémissantes encore des passions de ces hommes d’autrefois. Tout près des villes ensevelies, le musée des Studi s’ouvrait à Naples, pour mieux abriter leurs dépouilles et les offrir à l’étude dans un ordre plus commode. Le bruit de ces richesses inspirait à d’autres souverains une heureuse émulation ; plusieurs