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utiles. Ainsi se trouve réalisé, au moins dans une certaine mesure, qu’il ne serait point d’ailleurs bien difficile d’augmenter, le vœu philanthropique de M. Dumas : « l’état se chargera de tous les enfans naturels et les fera élever avec le plus grand soin. » De quelle manière est-il donné satisfaction à ce vœu dans la pratique administrative ?

Certes nous ne mettons pas en doute le bon vouloir et le zèle de l’administration ; nous sommes persuadé qu’elle fait tout ce qui dépend d’elle pour s’acquitter au mieux de ses obligations à l’égard de ses nombreux pupilles. Malheureusement ses ressources sont limitées, elle dispose à peine du nécessaire, et elle est obligée par conséquent de procéder avec une stricte économie[1]. En 1848, elle avait dû abaisser à 4 francs les mois de ses nourrissons. À ce taux, elle ne trouvait plus, comme on le suppose aisément, que le rebut du marché des nourrices. Un jour, l’excellent M. de Watteville, inspecteur-général des établissemens de bienfaisance, demandait à une robuste paysanne de la Beauce pourquoi elle avait renoncé au métier. « C’est que je trouve à présent plus de profit à élever des porcs, » répondit sans sourciller la naïve campagnarde. Depuis cette époque, les mois de nourrice ont été augmentés, mais la mortalité des enfans assistés n’en demeure pas moins excessive. Faut-il s’en étonner ? Faut-il même s’en affliger ? La destinée de ces pupilles de l’administration est-elle si enviable ? Comment

  1. Voici quels étaient le montant et la provenance des recettes du service des enfans assistés en 1861 :
    fr.
    Produits de fondations spéciales 459,702
    Ressources hospitalières 1,911,703
    Produits des amendes et confiscations 189,447
    Allocations départementales 6,581,102
    Contingens des communes 1,272,970
    Autres ressources 109,088
    Total 10,524,012 fr.


    La loi du 5 mai 1869 a modifié la répartition des dépenses de ce service. Payées autrefois par les départemens aidés du concours des communes, elles sont aujourd’hui à la charge des départemens (sauf contribution des communes) et de l’état. Les hospices n’y affectent plus que le produit des fondations spéciales faites en faveur des enfans abandonnés. La part contributive de l’état est du cinquième des dépenses dites intérieures, frais de séjour des enfans dans les hospices dépositaires, frais de layettes et entretien des nourrices sédentaires. L’état paie en outre les dépenses d’inspection et de surveillance.
    La dépense moyenne annuelle de chaque enfant assisté a augmenté avec le prix des choses depuis un demi-siècle. Elle était en 1824-33 de 82 fr., — en 1834-43 de 80 fr., — en 1844-52 de 85 fr., — en 1851-60 de 103 fr., — en 1861 de 113 fr. — (Maurice Block, Statistique de la France comparée avec les divers pays de l’Europe. — Établissemens de bienfaisance, t. Ier, p. 319.)