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noûment n’est plus douteux ; seulement les uns croient qu’en effet il n’y a plus qu’un dernier coup à frapper, et ils insistent pour qu’on réunisse toutes les forces dont on pourra disposer pour frapper ce coup ; les autres, mettant plus de prudence dans leur jugement, ou étendant un peu plus leurs vues politiques, ne croient pas à une solution si prompte, et ils n’y croient pas parce qu’ils veulent cette fois une solution complète et décisive. Il y a quelque temps encore sans doute, ils se seraient prêtés à un renouvellement des privilèges des provinces du nord, si les populations s’étaient montrées disposées à la paix. Maintenant que la guerre a été poussée jusqu’au bout, ils entendent mettre l’Espagne à l’abri de ces insurrections périodiques, et la première condition pour atteindre ce but est une occupation permanente du pays jusqu’à une pacification complète et solide. Plus de 100,000 hommes sont nécessaires et vont être réunis pour opérer dans le nord.

L’armée doit être divisée en trois corps, l’un sous les ordres du général Quesada, l’autre commandé par Martinez Campos, le troisième par Moriones, à qui les montagnes navarraises sont familières. Le jeune roi Alphonse lui-même se dispose à se rendre dans le nord, il restera à Vittoria, à portée de l’armée et prêt à combattre avec elle. Pendant ce temps, M. Canovas del Castillo va rentrer au gouvernement comme président du conseil. Ce n’est pas une politique nouvelle qui revient au pouvoir, c’est toujours la même politique ; seulement elle va être de nouveau conduite par l’homme le mieux fait pour diriger la transformation constitutionnelle de l’Espagne, comme aussi pour présider aux élections, qui sont désormais prochaines. La grande question qui s’agite à Madrid est celle de savoir à quelle constitution on s’arrêtera. Il y a une chose certaine, c’est qu’on ne peut pas revenir à la constitution de 1869, à moins qu’on ne veuille préparer à la monarchie d’Alphonse XII le sort de la monarchie d’Amédée. Toutes les autres constitutions, celle de 1837 ou celle de 1845, sont favorables à une politique réellement libérale, la seule à laquelle s’attache M. Canovas del Castillo. L’essentiel est d’en finir avec tous ces conciliabules intimes, avec toutes ces incertitudes, et de replacer le plus tôt qu’on pourra l’Espagne dans des conditions régulières. C’est la pensée du président du conseil, c’est aussi la pensée du jeune roi, qui, bien loin de se laisser aller à des conseils de réaction, témoigne sans cesse les dispositions les plus libérales, et se plaît à s’entourer d’hommes de toutes les opinions. Cette œuvre de fusion de tous les partis libéraux, habilement préparée par M. Canovas del Castillo, est déjà plus qu’à moitié accomplie. Elle est la meilleure garantie de la royauté nouvelle, de même que la paix conquise dans le nord sera le gage de sa sécurité.

CH. DE MAZADE.