Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ballon capricieusement ballotté par les vents à des hauteurs effrayantes, que l’on peut faire de vraies études physiologiques. Il est vrai que l’aéronaute seul peut nous renseigner sur les courans aériens, la condensation de la vapeur d’eau, et autres phénomènes météorologiques ; mais au point de vue physiologique tout peut être étudié dans l’appareil de M. Bert.

Voici donc la conclusion physiologique de la première partie du travail de M. Bert : l’oxygène mélangé avec peu d’azote ou beaucoup d’azote est respiré comme s’il était seul. Il s’agit de savoir comment il est absorbé par le sang. Sur ce point, les expériences de M. Claude Bernard sont des plus concluantes. L’oxygène ne se dissout pas dans le sang, il y forme une combinaison chimique, instable il est vrai, mais suffisante pour que ce gaz traverse la légère trame des capillaires du poumon et aille se porter sur l’hémoglobine contenue dans le globule sanguin. Cette hémoglobine est une substance albuminoïde qui peut être isolée du sang par des procédés chimiques ; on la fait cristalliser et on peut sous cette forme la combiner à l’oxygène. On a alors de l’oxyde d’hémoglobine. M. Bernard a montré que, dans les empoisonnemens par la vapeur de charbon, il se forme un gaz toxique, l’oxyde de carbone, qui va se porter sur le globule pour se combiner à l’hémoglobine. Cette combinaison est tellement fixe que l’oxygène ne peut plus déplacer l’oxyde de carbone, et que, le globule sanguin ne pouvant plus prendre de l’oxygène, l’individu meurt en réalité par asphyxie. De son côté, M. Bert a établi que, si on augmente la pression de l’oxygène, l’oxygène se mélangera au sang en plus grande quantité, mais que ce ne sera pas un véritable mélange, car l’accroissement de la quantité d’oxygène dans le sang, par rapport à la pression, sera bien plus grand que si c’était une simple dissolution. Il en est de même quand, au lieu d’augmenter la pression, on la diminue lentement ; enfin tout semble confirmer cette vérité, que le sang veineux au contact de l’air oxygéné dégage son acide carbonique et prend de l’oxygène, qui se fixe sur le globule, grâce à l’affinité de l’hémoglobine pour ce gaz.

Si, après avoir soumis un animal à une pression considérable, on le rend brusquement à la pression normale, ce qu’on peut appeler décomprimer, les phénomènes sont alors très graves : l’animal est pris de convulsions, de paralysie, et meurt en quelques instans. Que s’est-il donc passé ? Les gaz accumulés dans le sang par la haute pression à laquelle on les a soumis se dégagent brusquement et oblitèrent les petits vaisseaux. C’est encore l’application d’une loi toute physique qui veut que, dans les canaux étroits et capillaires, la résistance des gaz est considérable. Tous les petits vaisseaux sont remplis de bulles de gaz, notamment les capillaires de la moelle épinière ; c’est ce qui explique les paralysies soudaines et les convulsions. L’air a obstrué les vaisseaux qui portent le sang au système nerveux central, et, comme