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exposés, il y a cependant encore dans d’autres portions du même édifice, surtout dans la salle des vases, bien des monumens dont on peut dire qu’ils n’existent que dans le catalogue et qu’ils sont perdus pour le public.

J’ai, — et je ne suis point le seul, — un autre grief contre l’administration du musée : les sièges manquent partout, au rez-de-chaussée comme au premier étage. A peine trouve-t-on, de loin en loin, un étroit banc de bois ; dans la plupart des salles, impossible de s’asseoir. Que si les jambes fatiguées refusent leur service, voici la ruse de guerre à laquelle on peut recourir. Dans chaque pièce réside un gardien en habit bourgeois dont le seul insigne est une longue baguette noire de près de six pieds. Plus clémens pour leurs employés que pour le public, les trustees n’ont pas voulu leur infliger le supplice d’une promenade perpétuelle : à chacun d’eux, ils ont réservé un haut fauteuil de bois à dossier massif, que certains sybarites rembourrent d’un mince coussin mobile. Par bonheur, le gardien est parfois pris du désir de se dégourdir les membres ; il se lève, il va causer avec son voisin. C’est le moment. Dès qu’il est debout et qu’il a le dos tourné, emparez-vous de son siège ; en prince débonnaire, il feindra d’avoir encore envie de se promener. Pas une fois je ne me suis vu sommer de quitter le trône sournoisement usurpé. C’est une délicate jouissance que de s’asseoir en face d’une belle statue et de l’étudier sans être distrait de cette contemplation par l’effort musculaire ; or, n’était cette hospitalière tolérance, jamais ou presque jamais je n’aurais pu goûter ce plaisir.

On aura beau chercher, le plus chagrin ne trouvera guère d’autres critiques à faire valoir contre toute cette installation du musée des antiques. C’est l’œuvre judicieuse et très soigneusement étudiée d’un architecte qui n’a pas été gêné par la nécessité de se plier aux exigences d’un édifice construit à d’autres fins. Le conservateur n’a rien négligé pour tirer le meilleur parti possible des heureuses dispositions adoptées dans l’ensemble de cet aménagement ; tout ce qui dépendait de lui, il l’a fait pour faciliter l’examen et l’intelligence des monumens qui lui étaient confiés. Sous chaque objet exposé se trouve une étiquette qui contient tous les renseignemens indispensables : elle donne le nom du dieu ou du personnage historique représenté par la statue ; quand il s’agit d’un groupe ou d’une scène peinte, elle en indique le sujet. À ces notions, elle ajoute la provenance du monument, le nom de celui qui l’a découvert, et la mention de l’ouvrage où l’objet a été décrit avec le plus de détail ou le mieux figuré. Ce ne sont pas seulement les marbres qui portent ainsi chacun son signalement et son histoire succincte ; on a pris la même peine pour les bronzes, pour les vases, pour les plus