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impatiens, on peut encore regarder en face l’Orient lumineux et tendre.

Deux grandes tombes, qui occupent le centre de la salle, présentent des caractères analogues ; elles portent bien des inscriptions lyciennes, toutefois les sculptures qui les décorent, par la souplesse et la liberté du ciseau, sont tout helléniques. On ne saurait donc méconnaître l’influence que l’art grec exerça sur la Lycie, bien avant que la conquête d’Alexandre eût comme répandu la Grèce sur l’Asie. La tombe des Harpies ne peut guère être postérieure au commencement du Ve siècle avant notre ère. D’autre part, on retrouve ici la trace et des influences asiatiques primitives et de traditions architecturales propres à la Lycie, qui font l’originalité de ses nécropoles. Une frise de tuf noir, enlevée à la citadelle de Xanthos, offre un des motifs que les artistes orientaux ont le plus aimés, une file d’animaux d’espèces différentes, occupant toute la longueur d’une bande étroite ; ici ce sont des panthères qui saisissent et dévorent des biches. Comme couleur de pierre aussi bien que comme dessin, cela ressemble fort à cette curieuse frise du temple d’Assos que possède le Louvre. Un sujet qui sent encore plus son Assyrie, c’est une figure taillée sur la paroi d’un cercueil de ce même tuf volcanique, un homme qui enfonce son épée dans le flanc d’un lion dressé contre lui, groupe qui revient sans cesse dans les bas-reliefs ninivites et sur les scarabées. Ce qui paraît propre aux Lyciens, ce sont certaines formes architecturales que l’on ne retrouve nulle part en Asie-Mineure, et qui sont représentées au musée par deux des tombes dont nous avons déjà parlé ; quand Fellows vit pour la première fois ces pignons en ogive, il fut tout surpris d’y reconnaître des types auxquels l’avaient accoutumé les édifices anglais contemporains des Tudors. Un trait plus caractéristique encore, c’est la fidélité avec laquelle les Lyciens ont reproduit en pierre tous les membres, tous les détails de ces constructions en bois dont les matériaux sont encore aujourd’hui fournis aux paysans de cette région par les belles forêts de chênes et de pins qui en couvrent les montagnes. Dans les planches de leurs ouvrages, Texier et Ch. Fellows ont mis en regard de tombes creusées dans le roc vif les demeures rustiques des habitans de ces vallées sauvages. Sur la façade de ces caveaux funéraires le ciseau semble avoir pris un laborieux plaisir à figurer les troncs d’arbres, séparés du sol humide par une base épaisse et large, qui jouent le rôle de colonnes et supportent le comble, les poutres horizontales qui font entablement, la charpente de la toiture avec ses chevrons apparens et les bardeaux qui la recouvrent. Ces singuliers pastiches sont autre chose qu’une simple curiosité ; ils peuvent aider l’historien de l’art à s’orienter