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discussion par un long et substantiel discours, fort médité, plein de vues plus ou moins pratiques et de critiques plus ou moins fondées, dont l’enseignement supérieur de l’état faisait l’objet bien plus que la loi sur la liberté de cet enseignement. En entendant cet exposé tout doctrinal et nullement passionné, on était loin de prévoir les orages parlementaires qui grondaient déjà dans le cœur des orateurs appelés à prendre la parole, et des partis dont ils devaient être les puissans organes. C’est M. Dupanloup qui passionna le débat en y mettant toute l’ardeur de ses sentimens au service des doctrines qui lui sont chères. Cet illustre prélat n’a jamais été tendre pour les libres penseurs, tout en professant une admiration sincère pour la raison et la philosophie, et, dans le feu de sa polémique, il lui arrive parfois de ne pas ménager ses coups et d’exagérer tout à la fois ses argumens d’attaque et de défense ; mais il est de la race des vaillans, et, quand nous l’entendons couvrir de ses éloquens commentaires ce Syllabus qu’il avait regretté et combattu à Rome, nous ne pouvons nous défendre d’une véritable sympathie pour ce soldat de l’église, toujours fidèle au drapeau, quoi qu’il plaise à son chef d’y inscrire ! Ici, il était sur un bon terrain en réclamant pour ses adversaires comme pour ses amis une de ces libertés auxquelles nul ne peut rester indifférent, à quelque parti qu’il appartienne, sans perdre le beau nom de libéral. Au lieu d’accepter simplement de bonne grâce un principe que l’église n’a pas toujours connu, quoi qu’il en dise, il est venu bravement planter à la tribune le drapeau de la liberté d’enseignement, affirmant, l’histoire à la main, comme le font beaucoup de ses amis légitimistes, qu’en matière d’enseignement, comme en tout le reste, c’est la liberté qui est ancienne et le despotisme nouveau. Il fallait l’entendre dire à la gauche avec sa verve habituelle : « Votre révolution, que vous rappelez à tout propos, croit avoir inventé la liberté d’enseignement ; erreur ! elle a pu la proclamer comme tant d’autres libertés qu’elle a foulées aux pieds ; mais il y a bien des siècles que l’église la pratiquait sans la professer. Avant cette révolution, dont vous faites l’ère des libertés publiques, notre belle France était couverte d’écoles florissantes de toute origine et de tout ordre, où les élèves affluaient de toutes parts. Qu’avez-vous fait de cette prospérité ? La vérité, c’est que les élèves même manquent. Il y a une flamme qui ne circule plus ; que voulez-vous que je vous dise ? Cette flamme, vous l’avez éteinte. Oui, vous l’avez éteinte, la flamme. Vous aviez avant 89 plus d’élèves, plus d’humanistes, avec 24 millions d’âmes, que vous n’en avez aujourd’hui avec 36 millions d’habitans. »

Voilà d’éloquentes paroles, mais dures à entendre pour des hommes qui savent et jugent le passé. Il ne nous en coûte pas