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FLAMARANDE.

de le voir guérir au moral comme au physique. Quoi qu’il arrive, je reste votre amie à tous deux. Je l’emmènerai à Flamarande aussitôt qu’il sera capable de supporter le voyage. Envoyez-moi un mot pour lui, une parole de pitié et de pardon. Il ne la demande pas, il ne demande rien ; mais il se tourmente affreusement de votre situation. Il craint que votre mari ne vous accuse de légèreté et ne vous rende malheureuse. Je le crains aussi. Rassurez-moi et répondez-moi, je vous en supplie.

Berthe. »

Mme de Flamarande semblait justifiée par cette lettre. M. le comte n’y crut pas. — Cette fois, dit-il, Salcède a eu de l’esprit. Il a fait sa paix avec la baronne en avouant un amour platonique et en lui laissant l’espoir d’être aimée par reconnaissance. La baronne n’est pas bien fière ; elle pardonne tout, pourvu que le mariage s’ensuive. Elle veut ruser avec la comtesse et lui faire croire à une magnanimité dont nulle femme n’est capable, elle pas plus qu’une autre. Serrez cette lettre ; la réponse ne serait pas plus sincère que la demande. Je ne veux plus de ces épanchemens féminins, qui ne sont que ruses et grimaces, et qui ont peut-être pour but de me tromper.

Une quatrième lettre de la baronne, qui vint deux mois plus tard, et qui était datée de Montesparre, disait :

« Je l’ai amené ici, où il a encore failli mourir en arrivant. Le voilà un peu mieux, mais je ne suis pas encore tranquille. Le souvenir de son pauvre père et la crainte d’avoir troublé votre ménage l’empêchent de guérir. Et vous, cruelle Rolande, vous ne répondez pas ? Vous me gardez rancune, ou vous haïssez ce malheureux, qui meurt pour vous. Vous lui imputez les mauvais traitemens que votre mari vous inflige peut-être ! Peut-être encore que M. de Flamarande intercepte nos lettres. Les miennes pourtant vous justifient avec une sincérité de premier mouvement qu’il ne peut pas méconnaître. De grâce, si vous le pouvez, écrivez-moi une seule ligne, un seul mot : je pardonne ! Il ne le demande, ni ne l’espère ; mais, si je pouvais le lui montrer, je suis sûre que je lui rendrais la vie. Ne soyez pas prude, ma chère Rolande. J’espère bien que vous ne vous reverrez jamais et qu’il vous oubliera ; mais aidez-moi à le sauver. Dieu vous en tiendra compte. »

Cette lettre fut encore serrée dans un coffre à part sans être remise à Mme de Flamarande. M. le comte prétendit que la baronne, avec son esprit romanesque et son amour extravagant, travaillait à perdre entièrement la comtesse. Je n’étais pas convaincu par lui ; il me permettait de discuter et de lui dire tout ce qui me semblait être à la décharge de l’accusée ; mais à toutes mes allégations il

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