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elle n’a ni le haut style, ni les teintes sobres de Raphaël et de Michel-Ange, ni les brillantes beautés de Véronèse. Les figures plafonnent bien, le dessin est savant, les draperies sont traitées avec goût, la composition s’ordonne ingénieusement ; mais les types manquent de caractère, les attitudes sont conventionnelles, la couleur, tout en abusant des teintes foncées, est sans éclat. C’est le style pompeux en peinture, qui d’ailleurs s’accorde bien en architecture avec la pompe du style jésuite et avec celle du style Louis XIV.

Peut-être est-ce parce que ce style pictural convenait aussi à la pompe trop fastueuse de l’architecture du nouvel Opéra que les artistes chargés de décorer ce monument sont allés, pour la plupart, demander l’inspiration aux écoles secondaires. Aucun d’eux n’a été franchement à Venise. MM. Barrias et Delaunay se sont bien mis en route pour Rome, le premier y est même arrivé, mais il n’a pas bougé de la villa Médicis. Pour M. Delaunay, séduit sans doute par les formes aiguës des aloès et des cactus, par les tons métalliques des feuilles de l’oranger, et par le bleu ardent du ciel provençal, il s’est arrêté sur les côtes de la Méditerranée, s’ingéniant à appliquer à ses figures ces contours découpés et ces couleurs tranchantes. Seul, M. Baudry a fui les poncifs, les conventions, les procédés expéditifs et les règles surannées. Celui-là est allé à Rome, et s’est enfermé dans une féconde solitude avec Michel-Ange et avec Raphaël. Il semble aussi qu’en revenant de Rome il se soit arrêté longtemps à Parme, devant l’œuvre du Corrège. Après avoir étudié Michel-Ange, le maître de la force, et Raphaël, le maître de la beauté, peut-être M. Baudry a-t-il surpris quelques-uns des secrets de Corrège, le maître de la grâce, qui est aussi un des maîtres de la couleur. C’est donc sous la triple inspiration de Michel-Ange, de Raphaël et de Corrège, inspiration vivifiée par un tempérament très personnel et rajeunie par un sentiment très moderne, que M. Baudry a conçu et exécuté les peintures du grand foyer.


I

L’ensemble des peintures de M. Paul Baudry au foyer du nouvel Opéra comprend un grand plafond central de forme rectangulaire, deux grands plafonds latéraux de forme ovale, douze panneaux en voussure qui, entourés de lourdes bordures chantournées, s’étendent de l’entablement au plafond. Deux de ces panneaux, d’une plus grande dimension, remplissent aux deux extrémités toute la largeur du foyer. Enfin huit colossales figures qui séparent les compositions des voussures, et dix panneaux ovales en dessus de