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est à la fois la plus populaire et la plus importante. Elle ne peut suffire depuis longtemps à garder tous ceux qu’on y envoie, et nous y avons vu récemment jusqu’à trois prisonniers dans la même cellule. L’espace, l’air et la lumière manquent, l’hygiène laisse à désirer ; il n’y a aucun promenoir, aucune pièce pour les ablutions : c’est à peine si, dans un coin obscur, un méchant bain est installé. L’édifice avait été construit dans le principe pour recevoir une centaine de personnes ; pendant les vacances des tribunaux, en été, on en entasse jusqu’à 500. Les autres prisons de la ville, notamment celle du second district, près du marché Jefferson, et celle de Harlem, dans le cinquième district, ne sont pas moins insuffisantes. Nous ne citerons que pour mémoire les prisons de police, sortes de violons où les délinquans ne séjournent que peu de temps avant d’être conduits devant le juge, et qui souvent sont plus confortables que les prisons de district. Les ivrognes, les vagabonds, connaissent bien ces cellules aux portes de fer, aux fenêtres grillées ; c’est là qu’ils méditent à loisir sur le sort qui les attend. Les femmes y sont conduites comme les hommes ; nous nous rappelons avoir vu dans une de ces étroites salles une Irlandaise prise de boisson, couchée par terre de tout son long, gisant comme inanimée sur les dalles. La femme, arrivée à cet état d’abjection, présente un spectacle encore plus lamentable que l’homme. La police ne fait pas ces réflexions, et elle a pour ses pensionnaires, une fois qu’elle leur a mis la main au collet et qu’elle les a introduits dans leur cellule, les égards les plus paternels.

Les prévenus, s’ils sont condamnés, convicts, convaincus, sont envoyés au work-house ou maison de travail, dans l’île de Black-well. Pour une peine plus grave, on les dirige sur le pénitencier, qui est voisin du work-house, ou encore sur la prison de l’état, à Sing-Sing, sur l’Hudson : c’est là que vont entre autres les condamnés à vie. Le work-house reçoit ceux qui sont coupables de simples délits, vagabondage, ivresse, désordre de rue, petit larcin ; le pénitencier admet de vrais criminels, tels que les voleurs, les faussaires, la prison de l’état enfin les criminels les plus coupables, les voleurs à main armée, les meurtriers, les incendiaires, quand la corde n’en fait pas justice. Au pénitencier, la durée de l’emprisonnement n’excède pas cinq ans et est limitée d’habitude à quelques mois. Le gouverneur de l’état jouit du droit de grâce et peut réduire aussi la durée des peines. En 1871, les cinq prisons de New-York ont reçu 51,500 prévenus, sur lesquels environ 21,000 ont été condamnés au work-house et près de 2,400 au pénitencier.

Les convicts sont tenus de revêtir un uniforme. Au pénitencier de Blackwell, les hommes portent une vareuse et un pantalon de grosse flanelle à bande grise et jaunâtre, un bonnet de même : on dirait