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reconnues nécessaires et les immunités jugées utiles pour les résidens étrangers en Turquie.

On voit par cet exposé que la France peut revendiquer l’honneur de l’initiative. C’est elle qui a inauguré en Orient la politique de protection en faveur des Européens et de toute la chrétienté. Depuis le roi François Ier, cette politique est demeurée, pour elle une tradition constamment respectée. Elle lui a donné un prestige considérable aux yeux des populations chrétiennes de la Turquie et une influence légitime dans les différentes régions du Levant ; elle lui crée en même temps des devoirs particuliers pour la représentation et la défense des intérêts si nombreux et si délicats qu’elle est chargée de protéger non-seulement au profit de ses nationaux, mais encore au nom des Francs. Cette dénomination de Francs, qui continue à être appliquée en Turquie à tous les chrétiens, justifie le rôle que la France doit s’attribuer, et la constitue en quelque sorte responsable et gardienne des capitulations.

En 1856, au congrès de Paris, le plénipotentiaire ottoman, Ali-Pacha, eut l’habileté de faire mettre en discussion le remaniement de ces contrats particuliers, qui s’écartent, sous tant de rapports, du droit public européen. L’occasion était favorable. La Turquie, après avoir uni ses armés à celles de la France, de l’Angleterre et de l’Italie, pouvait espérer que sa demande serait appuyée par plusieurs voix influentes dans le congrès. Elle obtint en effet des paroles sympathiques ; les représentans des puissances rendirent hommage aux efforts qu’elle avait déjà faits pour améliorer son administration intérieure ; ils allèrent jusqu’à reconnaître (ce sont les termes du protocole) « la nécessité de réviser les stipulations qui fixent les rapports commerciaux de la Porte avec les autres puissances, ainsi que les conditions des étrangers en Turquie. » Toutefois cette réforme était subordonnée aux garanties que le gouvernement turc serait en mesure de procurer aux intérêts européens, de manière à remplacer efficacement le régime exceptionnel des capitulations. Ce ne fut là qu’un incident diplomatique. Depuis 3856, l’état des choses n’a pas été modifié, et les anciens traités sont demeurés intacts. »

La procédure judiciaire tient une grande place dans les capitulations. Voici comment elle a été organisée par le contrat de 1740, qui a conservé force de loi. Pour les procès civils et criminels entre étrangers de la même nationalité, ceux-ci ne peuvent être jugés que par les tribunaux consulaires de leur nation. Pour les procès où sont engagés des étrangers et des sujets ottomans, la juridiction appartient aux tribunaux turcs ; mais ces tribunaux ne peuvent juger qu’en présence du drogman de la nation à laquelle appartient l’étranger,