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d’étrangers appartenant à toutes les nationalités ne pouvait plus se mouvoir à l’aise dans le cercle étroit que les capitulations avaient tracé au XVIe siècle à l’usage d’un petit groupe de Francs égarés en pays turc ou casernes dans le Fondique. Il s’introduisit alors dans le régime applicable aux Européens des habitudes et des coutumes nées de la nécessité, acceptées par l’intérêt commun des étrangers et des indigènes, ratifiées enfin par l’adhésion de tous les gouvernemens. Ce fut ainsi que, pour la procédure judiciaire, la coutume modifia sur certains points le texte ou suppléa au silence des capitulations.

La modification la plus importante consista dans l’extension donnée à la compétence des tribunaux consulaires. Strictement la juridiction de ces tribunaux ne devait comprendre que les procès intéressant leurs nationaux dans les rapports que ceux-ci pouvaient avoir entre eux. On l’étendit d’abord aux procès entre étrangers de nationalités différentes, et l’on convint de soumettre le litige au tribunal consulaire du défendeur, suivant la maxime : aclor sequitur forum rei. Jusque-là le texte des capitulations ne recevait aucune atteinte, car il laissait aux Francs le soin de régler leurs affaires comme ils l’entendraient, du moment qu’aucun indigène n’était en cause. Il était donc permis aux étrangers d’instituer et de régler pour leur usage réciproque la juridiction consulaire ; mais bientôt l’innovation fut poussée plus loin, et les consuls furent appelés à juger les différends entre étrangers et indigènes lorsque l’étranger était défendeur ; par ce procédé, pour lequel la réciprocité était du reste admise, ils se substituaient aux tribunaux locaux indigènes, qui, d’après les capitulations, étaient seuls compétens. Tel est, depuis plus de vingt ans, l’usage qui s’est établi en Égypte, où par suite la presque totalité des procès sont jugés par les consuls. Sur ce point, il faut le reconnaître, les tribunaux indigènes paraissent avoir été indûment dessaisis, et le texte des capitulations a cessé d’être respecté. Si dès le début le gouvernement égyptien avait réclamé contre ce déplacement de juridiction, il eût été difficile de passer outre. Il n’a point protesté ; il a au contraire laissé se créer de nombreux précédens et s’établir une coutume à laquelle ses propres sujets ont adhéré. La coutume, en Orient surtout, est une seconde loi, et quelquefois la seule. Aussi les gouvernemens européens n’ont-ils point manqué de l’opposer aux premières observations qui furent faites plus tard par le gouvernement du vice-roi sur cette extension de compétence. Ils ne pouvaient cependant repousser indéfiniment tout examen sur les conséquences du nouveau régime, ni se refuser aux propositions de réformes destinées à faire rentrer cette partie de l’œuvre judiciaire dans les règles précises du droit international en améliorant la procédure