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nord-est. À cette latitude, la température des eaux du courant descend généralement à 3 degrés au-dessous de zéro, phénomène qui se produit en juillet au nord de l’Islande et du Spitzberg et de chaque côté de l’île des Ours. D’expériences faites par le docteur Bessels, d’Heidelberg, au cours de l’une des dernières explorations, il résulterait même que l’influence du courant chaud est encore sensible au-delà de l’île des Ours. Jusqu’où va en réalité le gulf-stream, c’est ce qu’on ne saurait dès maintenant établir d’une manière certaine.

L’agitation scientifique fomentée en Allemagne par la parole et les écrits du docteur Petermann ne tarda pas à porter ses fruits, bien qu’au demeurant la théorie de l’éminent géographe ne dût pas recevoir la sanction d’une épreuve directe, qu’elle attend encore. En 1868, une première expédition, sous les ordres du capitaine Koldewey, marin formé à l’école des pilotes de Brême, partit du port de Bergen. Assez mal outillée du reste, elle avait surtout pour mission de relever le prolongement septentrional de la côte est du Groenland ; au cas où l’explorateur ne pourrait atteindre cette côte, il devait essayer de retrouver à l’est du Spitzberg la fameuse terre de Gillis, découverte en 1707 par le Norvégien Gilles, et depuis lors oubliée et perdue. La Germania, tel était le nom du navire frété dans cette vue, se dirigea vers les rivages orientaux du Groenland ; mais, l’agglomération des glaces ne lui ayant pas permis de s’en approcher, elle rétrograda vers la côte ouest du Spitzberg, puis remonta vers le nord jusqu’au 81e degré et même un peu au-delà. Bien qu’elle eût été obligée de dévier de sa voie essentielle, l’expédition ne fut pas sans intérêt pour les progrès de l’hydrographie et de la physique du globe : elle avait reconnu que l’île du Roi-Guillaume, située dans le détroit d’Hinlopen, était bien une île comme Scoresby l’avait indiqué en 1822 ; elle avait en outre rectifié la configuration de la Terre du nord-est, une des plus grandes îles du Spitzberg. Au reste cette année 1868 ne paraissait pas favorable à un essai de débarquement sur la côte est du Groenland, car le vapeur suédois la Sophia, qui fit la même tentative sous les ordres du capitaine baron de Otter, ne put davantage franchir la banquise et dut revenir en octobre, un mois après la Germania.

L’impulsion une fois donnée ne se ralentit pas. Grâce au zèle de M. Petermann, secondé par un infatigable armateur de Bremerhaven, M. Albert Rosenthal, l’année suivante (1869) compta une dizaine d’expéditions, presque toutes lancées par les routes nouvellement rouvertes. Au mois de février, le vapeur à hélice le Bienenkorb, capitaine Hagens, sort du Weser pour tenter un atterrissage sur la côte orientale du Groenland ; les glaces cette fois encore s’opposent au succès de l’entreprise. En mai, un autre vapeur, l’Albert, monté par le capitaine Haasgen et le docteur Bessels, se met en route pour faire le tour du Spitzberg, explorer la mer entre cette terre et la Nouvelle-Zemble, et découvrir, s’il se