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Petermann, cet officier repartait l’année suivante (1871) avec M. Charles Weyprecht, son compatriote, pour essayer de retrouver la terre de Gillis. Les deux explorateurs ne la retrouvèrent pas ; mais ils pénétrèrent à 150 milles plus au nord que leurs devanciers dans cette région. Au-delà du 78e degré, entre le 42e et le 60e de longitude ouest, ils avaient encore une mer libre, et la température de la surface de l’eau variait entre 3 et 4 degrés centigrades au-dessus de zéro. Le manque de vivres obligea l’équipage de rétrograder, et ce fut un grave contre-temps, car l’année semblait exceptionnellement favorable. Le capitaine norvégien Mack, qui parcourait à cette époque les parages orientaux du même océan, à la recherche du lieu où Barentz avait hiverné en 1579, rencontra partout, à une distance que nul avant lui n’avait atteinte, une eau navigable avec un fort courant. Disons en passant que cette station de Barentz fut retrouvée peu de temps après à la pointe nord-est de la Nouvelle-Zemble par un autre Norvégien, Carlsen ; elle gardait encore des traces visibles du séjour qu’y avait fait le navigateur hollandais.

Une autre expédition assez comparable, sinon dans ses résultats, du moins dans ses dramatiques péripéties, au voyage avorté de la Hansa, fut entreprise en cette même année 1871 par le capitaine américain Charles Hall, non plus par l’entrée européenne de l’Océan glacial arctique, mais par la mer de Baffin. Parti de Terre-Neuve le 29 juin sur le navire le Polaris, en compagnie du docteur Emile Bessels, Hall suivit le détroit de Smith, découvert par Kane il y a dix-sept ans, et à la fin d’août il posait le pied sur la terre de Grinnell, au 80e degré de latitude. Il remonta ensuite le canal Kennedy, et pénétra dans un sund étroit, long d’une centaine de lieues, où nul marin ne s’était encore aventuré. Ce couloir reçut le nom de Robeson, en l’honneur du ministre de la marine des États-Unis. Le capitaine Hall s’avança par cette voie nouvelle, qui aboutit vraisemblablement au fameux bassin central arctique, jusqu’au 82° 16’ de latitude, point extrême qu’il atteignit le 3 septembre. De là on apercevait au nord une vaste étendue d’eau libre qu’on appela mer de Lincoln, et plus loin un autre océan ou une baie, à l’ouest de laquelle se dessinaient à perte de vue les contours d’une côte ; ce pays fut nommé Terre de Grant. Partout se montrait une faune analogue à celle du Groenland : troupeaux de bœufs musqués, de lièvres blancs et d’autres animaux polaires ; on croit même avoir reconnu des vestiges d’êtres humains. L’équipage ne demandait qu’à tenter une trouée dans la banquise ; mais le commandant maritime de l’expédition, le capitaine Buddington, s’y refusa, et le Polaris revint hiverner dans le canal de Robeson, un peu au-dessus du 81e degré. La mort du chef scientifique de l’expédition, survenue au mois de novembre, coupa court à toute nouvelle tentative pour percer plus avant du côté du nord ; on passa l’hiver dans l’inaction, et lorsque les chaudes haleines de l’été suivant