Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/790

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

revêtus[1]. Faut-il, à l’exemple de M. Rio, accuser Laurent d’avoir volontairement mis obstacle à une entreprise désirée de tous ? Faut-il au contraire, conformément aux conclusions de M. de Reumont, approuver la conduite de Laurent, sous prétexte que les architectes d’alors n’étaient capables ni de comprendre le style qui avait été originairement adopté pour la construction de Sainte-Marie-des-Fleurs, ni de conformer leurs propres plans au système du fondateur de la cathédrale ? La question, faute de documens, n’est pas facile à trancher. Parmi des artistes tels que Giuliano et Benedetto da Maïano et Francesco di Giorgio, n’y avait-il personne en état de reprendre les traditions d’Arnolfo ? Si les projets étaient défectueux, ne pouvait-on les corriger les uns par les autres ? Quoi qu’il en soit, Laurent, dont la négligence relégua dans l’oubli le vœu si noble et si patriotique des marchands de laine florentins, nous semble mériter un blâme. On ne doit pourtant pas méconnaître que son intérêt comme son goût le portaient à embellir la capitale de la Toscane, et que la façade de la cathédrale l’avait, lui aussi, vivement préoccupé. C’est d’après un dessin de sa main que l’on improvisa plus tard, quand Jean de Médicis, devenu Léon X, fit son entrée à Florence, une façade à Sainte-Marie-des-Fleurs, œuvre qu’exécutèrent Jacopo Sansovino en qualité d’architecte et de sculpteur, Andréa del Sarto en qualité de peintre[2].

Si de l’architecture nous passons à la sculpture, nous voyons Laurent accorder surtout sa faveur à Verrocchio et à Antonio Pollaiuolo. Il commanda à Verrocchio, pour y déposer les restes de son père et de son oncle Jean, le tombeau qu’on ne se lasse pas d’admirer dans l’église de San-Lorenzo, tombeau merveilleux, où le bronze s’épanouit, sur le sarcophage de porphyre et au-dessus du sarcophage, en feuillages et en bouquets de fleurs avec une souplesse nerveuse, tandis qu’il forme plus haut, entre la sacristie et la chapelle de la Vierge, une grille dont les mailles ressemblent à celles d’un filet. C’est aussi pour Laurent que Verrocchio modela l’enfant au dauphin, qui, après avoir décoré une fontaine dans la village Careggi, orne aujourd’hui une autre fontaine dans la cour du Palais-Vieux. C’est également pour lui qu’il cisela les bustes en demi-relief de Charlemagne et de Darius, destinés à Mathias Corvin. Enfin, après l’attentat de 1478, il dessina la figure dont se servit Orsino pour une statue en cire de Laurent. Quant à Pollaiuolo, il consacra par une intéressante médaille le souvenir du péril auquel Laurent avait échappé, et, comme orfèvre, il exécuta le casque d’argent donné à Frédéric d’Urbin, vainqueur de Volterra (1472). A cela se bornent à peu près les encouragemens de Laurent aux

  1. Rio, l’Art chrétien, t. Ier, p. 455-458. — Vasari, t. VII, p. 238.
  2. Vasari, t. VIII, p. 267.