des révélations de l’égyptologie ! Un commentaire de ce genre a été entrepris par M. George Ebers ; toutefois ce savant a montré moins de critique que de zèle. Depuis dix ans d’ailleurs, l’exégèse biblique a nécessairement progressé. Il n’y a plus que les personnes inattentives à ce qui se passe dans la science pour prendre la Bible en bloc, sans égard à l’âge et à la nature des divers documens qui la constituent. Auquel de ces documens appartient la légende de Joseph ? On admet aujourd’hui qu’un scribe hébreu a rédigé la Genèse et les autres livres du Pentateuque, en juxtaposant, souvent à la manière d’une mosaïque, des récits dérivés de deux grandes sources, le livre des origines[1] et un autre document fort étendu, réductible lui-même à deux élémens. Pour qui peut se donner le plaisir d’isoler par l’analyse les principes de cette admirable synthèse, rien n’est plus légitime que de telles distinctions, ordinaires d’ailleurs dans l’historiographie sémitique. Ainsi, pour ne rien dire ici des raisons de pure philologie, le document non homogène procède tout autrement dans le récit que le livre des origines : celui-là raconte beaucoup plus que celui-ci ; la légende héroïque et naïve tient plus de place dans le premier, les visées théoriques, l’image idéale du royaume et du culte israélite avec Jérusalem pour centre dominent dans le second. Pour l’écrivain du royaume du nord, l’Éphraïmite, qui a si bien raconté la légende de Joseph, toute l’histoire antémosaïque gravite autour de ce nom lumineux ; l’aïeule d’Ephraïm et de Manassé, Rachel, est la femme préférée de Jacob. Selon l’auteur du livre des origines, c’aurait été Léa, la mère de Juda. L’un célèbre Sichem, la vieille capitale de la tribu de Joseph ; l’autre exalte Ébron, l’antique ville de Juda. De Juda et d’Ephraïm, des royaumes ennemis de David et de Jéroboam, ont rayonné deux cycles légendaires dont Abraham et Jacob sont les héros. Au fond, il n’y a rien de plus que la lutte des sanctuaires de Jérusalem et de Beth-El[2]. Un moment unis sous le sceptre d’airain de David, les cantons fédérés d’Israël n’attendirent point la mort de Salomon pour sortir d’une monarchie insolente et fastueuse, si contraire aux instincts du Sémite. Dès lors au patriarche en faveur à Jérusalem et dans la maison de David, on opposa un autre patriarche honoré à Beth-El et dans les tribus du nord : Abraham et Jacob personnifièrent ces tendances politiques.
L’histoire de Joseph, rédigée par quelques écrivains éphraïmites d’un talent supérieur à l’art du scribe Enna, n’était qu’une des légendes populaires du royaume d’Israël. On a remarqué que les