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faites partir son char. » Le dieu, comblé de présens, rentra heureusement à Thèbes dans la trente-troisième année de Ramsès XII. La domination de son grand ancêtre Sésostris sur la terre entière avait aussi été annoncée dans un rêve par le dieu Ptah. Sans parler du songe fameux de Sethon, prêtre de Ptah, si bien raconté par Hérodote (II, 141), on lit encore dans une inscription hiéroglyphique de Karnak, où sont relatés les exploits de Menephtah Ier contre les envahisseurs venus de la Méditerranée, que ce pharaon aperçut en songe comme une statue de Ptah : elle se dressa devant lui et l’empêcha d’avancer, de marcher avec ses armées[1]. De même, dans la stèle du songe, découverte parmi les ruines de Napata, l’ancienne capitale du royaume éthiopien, et qui a fourni à M. Maspero le sujet d’un curieux mémoire, le pharaon Nouât Maïamoun, l’année de son élévation au trône d’Égypte et d’Éthiopie, voit en songe la nuit deux serpens, l’un à sa gauche, l’autre à sa droite. Il s’éveille et ne les trouve pas. « Qu’on m’explique cela sur-le-champ, » fait-il, comme le roi hyksos de la légende de Joseph. On lui répondit : « Tu possèdes le pays du midi, soumets le pays du nord ; que les diadèmes des deux régions brillent sur ta tête, afin que tu aies tout le pays dans sa longueur et dans sa largeur. »

N’est-ce pas ainsi que Joseph interprète les songes du maître échanson et du maître panetier, emprisonnés avec lui dans la tour, puis ceux du pharaon ? Les sept jeunes vaches qui sortent du Nil et paissent dans les marécages ont été rapprochées par M. Ebers des sept Hathors, figurées sous la forme de vaches en un chapitre du Livre des morts. Ces déesses assistent à la naissance de la femme de Bataou ainsi qu’à celle du prince prédestiné ; comme les parques et les fées, elles prédisent ce qui sera dans l’avenir. Aussi bien les songes de Joseph semblent appartenir à un cycle de la littérature d’Israël. Les dieux visitent en rêve Jacob et Laban. Le songe dans lequel il semble à Joseph que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternent devant lui est une fiction astronomique née de la connaissance du zodiaque asiatique : Joseph est la douzième étoile ; les choses du ciel et de la terre obéissent à celui qui devait être « le sauveur du monde. » Une version de la légende conservée dans Justin (36, 2) présente surtout Joseph comme savant dans les « arts magiques ; » il fait de lui le fondateur de l’oniromantie.

Quand l’esclave hébreu de Potiphar sortit de la tour pour paraître devant le pharaon, on le fit quitter la schenti, sorte de pagne bridée sur les hanches que portaient les gens de cette condition, on le rasa et on lui mit de blancs vêtemens de lin. Après la cérémonie

  1. Chabas, Études sur l’antiquité historique, p. 214, 2e édit. Paris 1873.