Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/912

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de préserver les terrains d’aval des dégâts qu’elles y causent. MM. Poirée et Chanoine, les savans ingénieurs qui dirigèrent en ces derniers temps les travaux d’amélioration de l’Yonne, faisaient valoir que les terrains granitiques du Morvan se prêtent à merveille à la construction de réservoirs ; les terrains y ont peu de valeur, la pierre y est abondante, les vallons fort étroits présentent des étranglemens que l’on peut barrer avec une faible dépense. Pour former une éclusée de l’Yonne, il fallait lancer dans le lit de la rivière un volume liquide de 1, 500,000 mètres cubes environ. M. Chanoine démontrait en 1835, dans un projet fort bien étudié, que par des barrages établis en travers des vallées du Cousin, de la Cure et du Serein, il était possible de constituer à peu de frais des retenues de 100 millions de mètres cubes, en sorte que les éclusées auraient lieu tous les jours au lieu de deux fois la semaine, et que la navigation, d’intermittente qu’elle était, deviendrait pour ainsi dire continue. Un seul de ces réservoirs a été exécuté, celui des Settons sur la Cure, à peu de distance des sources de ce ruisseau. Pour créer ce réservoir, il a suffi d’édifier entre les deux coteaux de la vallée un mur en maçonnerie brute de 267 mètres de long sur 18 mètres de haut. L’eau, retenue en arrière de ce barrage, forme un lac artificiel de 360 hectares dans lequel s’emmagasinent 22 millions de mètres cubes. Toutefois à peine les travaux étaient-ils achevés qu’on regrettait presque de les avoir entrepris, parce que la nécessité se faisait sentir d’appliquer à l’Yonne un système plus perfectionné. On a déjà vu quel est le grave défaut de la navigation par éclusée, qui convient seulement aux rivières sur lesquelles le mouvement est tout entier à la descente. Or le canal de Bourgogne, livré au commerce en 1832 à titre d’essai, avait reçu d’année en année de nombreuses améliorations. En 1847, le trafic y était déjà considérable : l’ouverture d’un chemin de fer entre Paris et Lyon parut d’abord lui faire une redoutable concurrence ; mais, les entreprises de transport par eau s’organisant, la navigation reprit de l’activité. Or ce canal, où les transports s’opèrent dans les deux sens, débouche dans l’Yonne à Laroche, à 92 kilomètres en amont de Montereau. De même le canal du Nivernais, ouvert en 1842, aboutit à Auxerre. A la navigation par éclusée, dont les mariniers se contentaient depuis des siècles, il fallait substituer quelque chose de moins incertain.

On n’ignore point comment s’opère, depuis l’invention des écluses, la canalisation d’une rivière. A des distances calculées avec soin d’après la pente, l’ingénieur construit un barrage, et à côté une écluse par laquelle passent les bateaux. En amont, la profondeur se trouve augmentée de toute la hauteur de la chute ainsi créée, si