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Cette fortune future de la France, que signale le ministre belge, je soutiens avec une entière conviction qu’on peut sans hésitation l’appliquer à l’amortissement de la dette publique par voie de compensation ; je soutiens que cet amortissement est aussi réel, aussi effectif que l’amortissement par voie de rachat.

En effet, entre l’annulation de rentes rachetées et l’apport au budget de ressources égales aux arrérages de ces mêmes rentes, où est la différence ? C’est une simple question d’écriture en recettes et en dépenses. Toutefois une objection se présente : quels seront les tarifs et par suite les produits des chemins de fer le jour où l’état en aura la libre disposition avec la pleine propriété ?

Il semble évident que l’état n’aura, pas plus que les compagnies dont les concessions sont perpétuelles, intérêt à abaisser des tarifs qui sont modérés, car la raison dit bien haut qu’avant de diminuer le prix d’un service rendu, payé volontairement par la raison qu’on y a intérêt, il faut dégrever les impôts. Il y a en effet une différence capitale à établir entre les impôts proprement dits, obligatoires pour tous, et le prix d’un service rendu, que ne paient que ceux qui en profitent. Se laisser entraîner à supprimer les uns avant les autres serait contraire aux plus élémentaires et aux plus saines notions de l’économie politique ; il n’est pas permis de supposer que les pouvoirs publics commettront une telle faute et voudront sans nécessité détruire une source de richesses attribuée dès 1866 à la caisse d’amortissement pour lui permettre d’éteindre en peu d’années une grande partie, sinon la totalité de la dette publique. Non, les tarifs seront maintenus après comme avant l’échéance des concessions, et les légitimes produits en seront appliqués soit à la diminution effective de la dette, soit à la suppression ou à la réduction des impôts les plus onéreux.

Au surplus nous avons sous les yeux l’exemple des pays où les chemins de fer sont possédés et exploités par l’état. La Belgique, après avoir d’abord baissé les tarifs, n’a point hésité à les relever pour augmenter le revenu qu’elle tire de l’industrie des transports. De même en Allemagne : le gouvernement s’occupe plutôt de relever que d’abaisser les tarifs sur les lignes exploitées par l’état ; il entend que le service rendu lui soit payé comme il serait payé à une entreprise particulière, et qu’entre ses mains la propriété des chemins de fer demeure productive. L’intérêt public conseille en pareil cas de ne point exagérer les frais de transport, mais il ne