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du pays, de la nécessité persistante de cette organisation constitutionnelle dont la seule perspective a été saluée par l’opinion comme une garantie de durable sécurité. Tout le reste ne serait qu’aventure et péril.

Hier, comme on discutait à Versailles sur les destinées de ce sénat politique qui a tant de peine à naître, à se dégager déboutes les confusions, le sénat littéraire, un sénat qui a l’avantage de dater de plus de deux siècles, s’ouvrait à M. Alexandre Dumas. L’Académie française recevait l’auteur de la Dame aux Camélias comme pour montrer que dans ce royaume ou dans cette république de l’intelligence les hommes et les idées se succèdent sans révolutions, et tout finit par de l’esprit. C’était une de ces séances qui, selon le mot de M. Royer-Collard, promettent de l’imprévu, et peut-être même s’était-on plu à exagérer d’avance cet imprévu par toute sorte de commentaires de fantaisie sur l’attitude de M. Alexandre Dumas, sur le langage qu’il devait tenir, sur les libertés qu’il devait prendre avec l’Académie. Eh bien ! non : la mise en scène imaginaire a disparu au grand jour. De l’esprit, de la bonne grâce, des contradictions piquantes, des paradoxes lestement lancés et des vérités ingénieusement rétablies, il y a eu de tout cela, il y a eu tout ce qui fait l’attrait d’une fête littéraire choisie, il n’y a eu ni imprévu ni coups de théâtre. Comme le plus simple académicien, M. Alexandre Dumas est entré dans son habit d’immortel aux palmes vertes, se montrant heureux de sa bonne fortune, faisant ses complimens de nouveau-venu et se tirant de son mieux de cette épreuve d’un écrivain dramatique tenant en personne la scène devant un public d’élite accoutumé au beau langage. Ce qui est certain, c’est que le récipiendaire a su jouer son rôle dans toutes les convenances, et que, si son discours a eu parfois un accent un peu étrange, un peu inattendu dans une pareille assemblée, il a trouvé aussitôt, pour rétablir le ton, la contradiction charmante et sûre d’un galant homme faisant gracieusement les honneurs du vrai monde à l’auteur du Demi-monde. M. le comte d’Haussonville a complété avec l’autorité d’une raison ingénieuse, avec toutes les séductions d’une piquante bonne humeur, cette séance où M. Alexandre Dumas s’est montré homme de verve et d’imagination, même en évoquant des personnages de l’histoire qu’il n’a peut-être pas eu l’occasion de rencontrer dans les contrées nouvelles où il s’est établi, par droit de découverte et de conquête.

Que la première pensée de M. Alexandre Dumas en entrant à l’Institut ait été pour son père, pour l’auteur, de Henri III, de Mademoiselle de Belle-Isle et des Trois Mousquetaires, certes personne n’a songé à s’en étonner. Alexandre Dumas le père n’était pas de l’Académie ; son fils, plus heureux, y entre aujourd’hui après avoir fait, comme tout le monde, les démarches d’usage, et assurément il se devait à lui-même