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on sera certes au-dessous de la vérité. La raison en est simple d’ailleurs. De toute antiquité, les Persans ont construit leurs maisons avec des briques de terre séchées au soleil ; le seul mortier usité dans le pays se compose d’un mélange de boue et de paille hachée. S’il était possible de faire à perpétuité un pacte avec le beau temps, ce genre de constructions en vaudrait un autre. A Ispahan, à Chiraz, la pluie est rare et la neige une exception : les maisons arrivent à une vieillesse relative. A Cazbin, à Téhéran, dans tout le nord de la Perse, où le ciel est moins clément, l’hiver est une saison justement redoutée des propriétaires. La majorité des habitans se reposant généralement sur la Providence de la solidité des plafonds, il n’y a guère de Persan qui ne puisse s’attendre un jour ou l’autre à être enseveli sous sa toiture. Cette épée de Damoclès n’empêche pas les gens de dormir. Chaque année, quelques centaines de vrais croyans paient de la vie leur confiance exagérée dans l’intervention divine. A Téhéran seulement, pendant l’hiver de 1874, le nombre des victimes écrasées par la chute des maisons s’est élevé à près de 150. Les survivans remercient Mahomet ou Ali de les avoir miraculeusement sauvés et s’en vont rebâtir un peu plus loin leur demeure écroulée. Que les tremblemens de terre s’en mêlent, que la famine vienne à exercer ses ravages, et des quartiers entiers disparaissent en quelques années sans laisser d’autres traces que des décombres. Cette désolation, plus apparente encore que réelle, le voyageur en retrouve l’image dans toutes les villes de Perse. Cazbin allait nous en donner une preuve trop visible.

Fondée, selon les traditions les plus vraisemblables, au VIIIe siècle de notre ère par Haroun-al-Raschid, Cazbin a eu son tour de faveur dans l’histoire, et partage, avec Tauris, Ispahan et Chiraz, l’honneur d’avoir été la capitale de la Perse. Dépossédée de cette suprématie au profit d’Ispahan par Abbas le Grand à la fin du XVIe siècle, elle a eu depuis lors des fortunes diverses. Les guerres, les tremblemens de terre, la famine, l’ont souvent maltraitée. Aujourd’hui la population est évaluée à 30,000 ou 40,000 âmes; peut-être ce chiffre est-il exagéré. La situation de cette ville, qui en fait en quelque sorte l’entrepôt obligé des marchandises venues de Recht et de Tauris, l’a sauvée jusqu’ici d’une décadence totale, et peut lui rendre dans l’avenir une importance réelle. Cazbin ne mérite guère d’ailleurs qu’on s’y arrête. Les édifices, quoique aux trois quarts ruinés, sont presque tous de date récente. Le palais du gouverneur vaut pourtant la peine d’être regardé; le portail, qui s’écroulera avant peu sur la tête des passans, est un beau spécimen d’architecture persane.

Cazbin n’est qu’à quatre journées de caravane de Téhéran. Une