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ce métal, et ils sont parfois d’un travail si fini qu’on les dirait sortis d’une manufacture anglaise. Les Bongos savent aussi sculpter le bois. Ils fabriquent des tabourets faits d’une seule pièce, des fléaux, des auges, des pilons et des mortiers de bois. Avant d’avoir perdu leur indépendance, ils cherchaient même à reproduire la figure humaine : des statues de bois décoraient l’entrée de leurs palissades, ainsi que les cases ou les tombes de leurs chefs ; le veuf plaçait dans sa hutte l’effigie de l’épouse regrettée. Pour compléter l’illusion, on parait ces statues de colliers et d’anneaux, et on leur mettait de vrais cheveux. Ainsi ornée, l’image d’un homme assassiné servait parfois à la découverte du meurtrier : les parens du défunt invitaient tout le village à un grand repas où le legghi circulait abondamment ; puis à un moment donné, quand l’ivresse était à son comble, on introduisait tout à coup l’effigie du mort, et le coupable se trahissait par sa terreur. On rencontre encore souvent dans le pays les débris de ces personnages de bois qui décoraient les demeures des Bongos ; aujourd’hui la figure humaine ne se voit plus guère que sur les tubes qui leur servent d’instrumens de musique et au fourneau des pipes d’argile.

Vers la fin du mois de janvier 1870, M. Schweinfurth trouva l’occasion d’accompagner une expédition dans le pays des Niams-niams. On sait que les Niams-niams sont restés longtemps les héros d’une foule de récits de chasse et de guerre que rapportaient de ces régions voilées les aventuriers de la traite de l’ivoire. Un appendice de cuir en forme d’éventail, qu’ils portent comme ornement, avait donné naissance à la légende des hommes à queue. M. Schweinfurth, qui a pu les visiter chez eux après M. Piaggia, donne sur leurs caractères extérieurs, leur manière de vivre, leurs mœurs, les détails les plus curieux. Les Niams-niams ou Zandès, comme ils s’appellent eux-mêmes, représentent au milieu de ce monde africain un type à part, qu’on ne peut comparer qu’aux Fans du Gabon. Ils tiennent autant du Mongol que du nègre. Les caractères qu’ils offrent sont tellement tranchés qu’on les reconnaît immédiatement au milieu des foules les plus nombreuses. Ce sont des hommes bien découplés, agiles, de taille moyenne ; le buste est relativement long, ce qui imprime à leurs mouvemens un cachet particulier. Ils ont la tête ronde et large, et leurs cheveux abondans et crépus, qu’ils divisent par nattes, leur descendent parfois jusqu’à mi-corps. Leur physionomie a un caractère lourd, mais qui n’est pas exempt d’une certaine bonhomie ; ils n’ont pas l’expression bestiale des véritables nègres. Les yeux, fort grands et coupés en amande, ombragés de sourcils épais et bien dessinés, sont très écartés l’un de l’autre, ce qui mitige un peu la férocité du regard en y mêlant une pointe de franchise. Un nez droit et large, une bouche assez grande, aux lèvres épaisses, des joues pleines, un menton arrondi, complètent le visage, qui en somme a quelque chose d’ouvert