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que le temps sera son allié contre ses co-signataires, et, quand cet allié manque à l’appel, les prétentions rivales reparaissent de plus belle. Les adhérens de la haute église à leur tour, voyant que le flot démocratique et calviniste menaçait d’engloutir ce qu’ils prisaient le plus dans l’institution anglicane, c’est-à-dire l’élément traditionnel et sacerdotal, cherchèrent naturellement à le renforcer. Favorisés par le vent du romantisme qui soufflait par toute l’Europe d’il y a trente ou quarante ans, ils remirent en honneur des croyances et surtout des formes tombées en désuétude, mais que dans leur opinion aucune autorité légitime n’avait abolies. Ces croyances et ces formes étaient catholiques bien plus que protestantes. Le mouvement d’Oxford, auquel le docteur Pusey donna son nom, fut l’exposant de cette tendance catholicisante, qui, sans être romaine, regardait pourtant l’église de Rome avec une indulgence qu’elle refusait aux églises protestantes, dépourvues de sacremens surnaturels et de pouvoirs sacerdotaux. Et de même que le parti évangélique fournissait des recrues à la dissidence calviniste, de même le parti puséiste vit bon nombre de ses adhérens les plus distingués passer avec armes et bagages dans l’église catholique.

Chose assez étrange, ce sont aujourd’hui ces convertis de l’anglicanisme qui, soutenus par l’influence ultramontaine ainsi que par l’appoint considérable de l’immigration irlandaise, font la loi, et une loi très dure, au bon vieux catholicisme anglais resté fidèle à travers tant d’épreuves à sa foi héréditaire et qui a toutes les peines du monde à se reconnaître dans l’église qu’on lui façonne à la mode italienne. Il avait toujours prétendu qu’on le calomniait indignement quand on l’accusait d’être plus papiste qu’anglais, et c’est sur cette énergique dénégation qu’il fondait ses protestations réitérées contre l’ilotisme légal dont il eut si longtemps à souffrir. A la fin, le puséisme, obéissant à son principe, est devenu ce qui s’appelle du nom très significatif de ritualisme. C’est la tendance qui conduit actuellement un certain nombre d’anglicans à imiter beaucoup de cérémonies catholiques et à restaurer dans l’église établie, au bénéfice du clergé, des institutions purement sacerdotales, telles que la confession auriculaire, l’absolution du prêtre, l’adoration de l’hostie, etc. On sait que le parlement, poussé par l’opinion, a cru devoir mettre un terme à ces essais de réaction que l’on considérait comme périlleux pour le caractère protestant de l’église nationale. Le temps seul nous apprendra jusqu’à quel point cette intervention est efficace. Pour le moment, il est certain que le mouvement ritualiste, comme son père le puséisme, a jeté dans le catholicisme pur ceux qui pensent que pour être vraiment catholique il ne faut pas l’être à demi, et les journaux ont retenti de certaines conversions éclatantes