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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/317

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de faits déjà observés que la thèse aujourd’hui bien connue de la propriété structurale, architectonique, de la force moléculaire. On connaissait les phénomènes de la polarité magnétique et électrique; on a pu en étendre le concept à toutes les molécules et se rendre compte par là des formes arrêtées des cristaux, puis passer à la genèse des plantes et à celle des animaux. Ce sont là de magnifiques conquêtes, destinées à s’augmenter indéfiniment, et tant qu’on se borne à les énumérer, le matérialisme, ou ce qu’on veut appeler de ce nom, a parfaitement le droit de chanter victoire.

Mais à son tour il ne doit pas se faire illusion. Il résulte aussi de toutes ces découvertes que la notion vulgaire de la matière est incomplète. Tant qu’on s’y bornera, l’évêque Butler aura cent fois raison de déclarer que d’une pareille matière ne peuvent sortir ni la vie ni la pensée. Il faut de toute nécessité que moyennant une notion plus exacte de la matière nous fassions rentrer dans sa définition un élément qui contienne la puissance et la promesse de la vie. Il faut aussi reconnaître franchement que jusqu’à présent il n’a point été fourni de preuve expérimentale suffisante d’une véritable production d’organismes vivans sans vie organisée préexistante.

N’oublions pas enfin que la même révélation scientifique aboutit, comme la psychologie pure, à poser la terrible question de la réalité du monde extérieur. A vraiment dire, ce que chacun de nous voit n’est qu’une certaine affection de sa rétine; ce qu’il touche n’est réellement qu’une modification subie par les nerfs tactiles; de même pour les autres sens. Le monde extérieur à nous n’est donc pas un fait premier, c’est une conclusion, une inférence, dont l’idéalisme de Berkeley, le scepticisme de Hume, ont pu contester la validité. M. Herbert Spencer propose comme moyen de solution l’idée du symbole ou du signe. Nos états de conscience sont les symboles ou les signes d’une réalité extérieure qui les détermine, mais dont nous ne pouvons sonder la nature réelle. Au-dessus d’elle plane l’être mystérieux, indéfinissable, le moi qui sent et interprète.

En résumé, de quelque manière qu’on s’y prenne, de quelque point que l’on parte, nous aboutissons fatalement au mystère; mais, dans le cercle où il nous est possible de voir clair, il ne faut pas contester que l’évolution continue représente aujourd’hui le point de convergence vers lequel se dirigent toutes nos sciences et toutes nos découvertes. Cette évidence ne détruit pas le fait que nous sommes incapables de passer logiquement de l’homme objet à l’homme sujet, du système nerveux et de ses modifications aux phénomènes parallèles de la sensation et de la pensée. On dirait que notre intelligence manque de la faculté qui lui serait nécessaire pour saisir la connexion entre les deux ordres de faits, d’autant