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de notre continent à cet exemple de fair play, donné par un savant anglais qui n’est pas seulement leur égal par le savoir, qui l’emporte évidemment sur eux par son impartialité philosophique. Nous aimerions à les voir reconnaître avec lui les limites infranchies et peut-être infranchissables au-delà desquelles commence décidément un monde où ni télescope ni microscope ne servent plus à rien, et qui vaut pourtant bien la peine qu’on s’en occupe. N’exagérons rien. Il est évident que, par la nature de ses études, par les affinités de son esprit, le professeur anglais penche plutôt du côté matérialiste et lui accorde des avantages qu’on pourrait lui contester. Expliquer, par exemple, les merveilles de l’instinct animal par l’accumulation héréditaire des aptitudes, n’est-ce pas tout uniment remplacer un mystère par un autre et dépasser très arbitrairement les données de l’observation ? Rien de moins vraisemblable que l’hypothèse qui fait dériver les actes instinctifs de tâtonnemens originairement calculés et réfléchis. Se représente-t-on les premières chenilles s’évertuant à filer leur vêtement de chrysalide et devant s’y reprendre des milliers de fois avant de réussir, ou les premiers carnassiers étudiant les moyens de découvrir et d’atteindre leur proie? Mettez la finalité dans les êtres, si vous refusez de la leur appliquer du dehors, mais n’espérez pas la bannir, ou vous vous briserez contre l’évidence. M. Tyndall est un grand partisan de la théorie atomistique, je ne veux pas le contredire : il y a d’ailleurs des faits chimiques et physiques démontrant qu’elle doit avoir au moins une part de vérité; mais enfin nul n’a jamais vu d’atome isolé, et pourquoi le malheur veut-il que rationnellement l’atome, c’est-à-dire la particule indivisible de matière, soit une contradiction in adjecto, contre laquelle la pensée regimbe comme devant un non-sens? Il faut, pour avancer cette théorie avec tant d’assurance sans être un instant arrêté par la contradiction qui lui sert de point de départ, une complaisance qu’il nous est impossible de partager.

Cela dit, il n’est que plus instructif de voir combien il s’en faut, en bonne logique et devant une appréciation calme de faits considérés trop souvent comme foncièrement hostiles à toute philosophie spiritualiste, que les grands principes qui font l’honneur, la dignité, l’espoir de la vie humaine soient sérieusement menacés par le développement contemporain des sciences de la nature. En l’acceptant tout entier tel qu’il s’offre à nous, il y aurait lieu à un simple déplacement dans l’ordre de nos conceptions spiritualistes bien plutôt qu’à la volatilisation à laquelle on les dit condamnées.

Pour prendre un exemple frappant, comment les derniers progrès de la physique nous amènent-ils à concevoir la matière? Il est clair