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qu’un s.. jacobin de 93 qui ait pu lever et armer à Paris une garde nationale, » à quoi Fouché avait répondu : « Il n’y a qu’un étranger vendu aux Anglais qui ait pu s’opposer à la formation de cette garde. » Telle était de part et d’autre la violence des inimitiés. Le général Hullin, commandant de Paris, en disait encore bien plus que le ministre de la guerre sur les manœuvres de Fouché. On eût pu croire, à l’entendre, que le jacobin de 93, devenu ministre de la police et ministre de l’intérieur, profitait de cette bonne occasion pour préparer une nouvelle journée révolutionnaire. Il disait un jour à Ségur : « Je ne peux plus répondre de Paris. Mes patrouilles y rencontrent inopinément des postes et des patrouilles que nous ne connaissons pas. On ne sait si ce sont des citoyens ou des malfaiteurs. Je les ferai désarmer, je ferai tirer dessus. »

L’empereur, qui dédaignait d’abord tous ces bruits, finit par se rendre aux instances de Clarck ; il envoya l’ordre de licencier la garde nationale de Fouché, y compris, bien entendu, le corps de cavalerie destiné à Ségur. Il voulait seulement que la chose se fît de manière à ne pas trop irriter les mécontens. On savait en effet que cette garde nationale contenait un grand nombre de citoyens hostiles à l’empire, que les officiers surtout, choisis parmi les banquiers, les négocians, les gens d’affaires, formaient déjà une espèce de fronde enhardie chaque jour par l’éloignement du maître. Dans cette querelle de Clarck et de Fouché, Fouché était leur homme. Si on les licenciait brusquement après avoir provoqué leur zèle, si on les renvoyait chez eux sans plus de cérémonie à l’heure où, équipés à leurs frais et tout fiers de leurs uniformes, ils allaient monter à cheval, la fronde était toute prête pour une émeute. Ne pouvaient-ils pas compter sur la connivence du ministre de la police ? Le général Clarck aurait eu besoin d’être un peu plus habile. Dès que l’ordre de licencier la garde nationale arriva au conseil des ministres, il s’empressa trop de jeter des cris de triomphe. Le bruit s’en répandit bientôt. Irrités de cette nouvelle, les officiers auraient prévenu le licenciement par une démission collective, c’est-à-dire par un éclat du plus fâcheux effet, si Philippe de Ségur n’avait réussi à les calmer. Il parvint même à changer si bien leurs dispositions, qu’il les ramena presque tous à des sentimens favorables. Pourquoi l’empereur se serait-il défié d’eux ? Cette démonstration de leur zèle n’avait-elle pas déjà remporté une victoire ? N’était-ce pas ce généreux élan des gardes nationales de France, surtout de la garde nationale de Paris, qui avait fait reculer l’expédition anglaise des Pays-Bas ? Inutiles désormais pour cette campagne, puisque le danger était passé, ils resteraient cependant attachés au service de l’empereur. C’était là son plan et la récompense qu’il leur offrait ; il se faisait fort d’obtenir que les cavaliers de la garde nationale de Paris, en